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Moyen Orient et Monde - États-Unis

À Parkland, une rentrée endeuillée sur fond de bataille politique

Une nouvelle fusillade s’est produite hier dans un lycée à Dalton sans faire de mort ni de blessé.

Le lycée Marjory Sonteman Douglas de Parkland, en Floride, a rouvert ses portes hier, deux semaines après la fusillade ayant coûté la vie à dix-sept lycéens. Rhona Wise/AFP

Le lycée Marjory Sonteman Douglas de Parkland, en Floride, a rouvert ses portes hier, deux semaines après la fusillade ayant coûté la vie à dix-sept lycéens. Les élèves oscillaient entre appréhension et volonté de surmonter l’épreuve, comme l’a confié à l’AFP Jenna Korsten, une élève de 17 ans : « Nous devons être forts dans ce genre de situation car nous sommes une famille. »
Pourtant, l’émotion provoquée par le drame ne retombe pas, et loin d’un retour à la normale, l’onde de choc semble s’étendre à l’ensemble de la société américaine et fragilise la toute puissante NRA (National Rifle Association). Les unes après les autres, les entreprises qui coopéraient avec elle, en offrant un certain nombre d’avantages aux membres de la puissante et prestigieuse association de partisans du droit absolu de porter une arme, coupent tout lien avec celle-ci. United Airlines, en annonçant le 25 février mettre fin au rabais qu’elle accordait aux membres de l’association, n’est que la dernière d’une liste toujours plus longue d’entreprises comprenant, entre autres, le loueur de voitures Hertz et la société de cybersécurité Symantec, ayant reculé face à la pression de la société civile et la menace du boycott.

Fait encore plus marquant : Sporting Goods, l’une des plus grandes chaînes de magasins de sport des États-Unis, a banni hier la vente de fusils d’assaut. « Nous sommes profondément perturbés et attristés par les événements tragiques qui se sont déroulés à Parkland. Nos pensées et nos prières vont aux victimes et à ceux qui les chérissaient », a déclaré le PDG du groupe Edward Stack pour justifier sa décision, précisant qu’il avait « entendu » les revendications des lycéens.
Ces coups portés à la NRA sont le résultat de la mobilisation des lycéens survivants et de leurs proches, regroupés sur Twitter autour du hashtag #Neveragain et décidés à mettre fin aux fusillades de masse qui, de Columbine en 1999 au lycée de Portland, ensanglantent régulièrement l’Amérique. Ce sont ces lycéens, qu’ils soient devenus célèbres comme David Hogg, qui a tourné une vidéo de lui et ses camarades cachés pendant la tuerie, ou restés discrets, qui ont engagé des campagnes de boycott contre les entreprises liées à la toute-puissante association, les ciblant une par une sur les réseaux sociaux jusqu’à ce qu’elles cèdent. À ce jour, seule l’entreprise de livraison FedEx refuse de céder aux menaces et maintient ses tarifs réduits pour les membres de la NRA, qui a de son côté riposté par un communiqué de presse offensif, fustigeant « un étalage honteux de lâcheté politique et civique » de la part des entreprises et promettant que la fin de ces avantages « n’effrayera ni ne détournera un seul adhérent de la NRA de sa mission ».

La pression de la société civile s’exerce également sur les hommes politiques : trois jours après le drame, lors d’une marche en hommage aux victimes à Fort Lauderdale, la survivante Emma Gonzales interpelle d’un cinglant « honte à vous ! » les politiciens ayant accepté l’argent de la NRA pour financer leur campagne électorale. Elle devient aussitôt l’icône de toute une partie de l’Amérique qui réclame une législation plus restrictive au sujet des armes à feu individuelles, notamment l’interdiction des fusils d’assaut, la limitation de la taille des chargeurs, le contrôle des antécédents juridiques et psychiatriques obligatoire des acheteurs, et l’augmentation de l’âge minimal requis pour acheter une arme, actuellement de 18 ans au niveau fédéral.

Ambiguïté du mouvement
Le succès le plus symbolique de cette campagne est la volte-face du gouverneur de Floride, le républicain Rick Scott, jusqu’ici partisan obstiné du statu quo dans un État où la législation sur les armes est une des moins contraignantes du pays, qui s’est rallié vendredi dernier à la proposition des survivants de rehausser l’âge minimal pour porter une arme de 18 à 21 ans. Ce changement de cap inédit pour un élu républicain lui attire les foudres de la présidente de la NRA, Marion Hammer, au moment où le gouverneur envisage de conquérir un siège au Sénat lors des élections de mi-mandat en novembre.

C’est précisément la crainte de ces élections qui rendent les élus républicains hésitants sur la marche à suivre : la cause du contrôle des armes est plus populaire que jamais, mais elle a très peu d’échos dans l’électorat républicain, en bonne partie rural et attaché à son droit de porter une arme, qui choisit ses candidats lors des primaires. Les élus se voient donc pris entre le marteau de #Neveragain qui peut mener campagne contre eux lors des élections et l’enclume d’une base républicaine refusant de renoncer aux armes à feu et qui préfèrent souvent, tel le président de la Chambre Paul Ryan, orienter le débat sur l’échec du FBI à prévenir le massacre. C’est là toute l’ambiguïté du mouvement de ces derniers jours. S’il prétend transcender les clivages politiques, il reste l’expression d’une certaine Amérique, plutôt orientée à gauche, jeune, urbaine, connectée, et à l’aise avec les médias et touche peu, pour le moment, l’autre Amérique, plus rurale et conservatrice et qui, plus que les donations politiques, fait la force d’une NRA qui aujourd’hui, et c’est une première, vacille, mais n’est pas encore tombée.

Pour Francis Langlois, membre de l’Observatoire sur les Etats-Unis de l’université du Québec à Montréal (Uqam) et contacté par L’Orient-Le Jour, « l’important pour ces gens est de maintenir le sujet jusqu’aux élections de mi-mandat en novembre et de forcer les politiciens à se positionner sur la question », notamment en mobilisant pour une grande manifestation prévue en mars à Washington demandant le renforcement dans tout le pays du contrôle des armes à feu, cauchemar absolu de la NRA. Cela dit, l’association devrait « tout faire pour punir ceux qui vont se dresser devant elle, divisant ainsi les républicains à l’heure où le parti démocrate bouge ou est forcé de bouger  vers une politique de contrôle des armes plus stricte », ajoute le chercheur.

Le débat devrait toutefois ne pas cesser de sitôt puisqu’une nouvelle fusillade s’est produite hier dans un lycée aux États-Unis, dans la petite ville de Dalton, sans toutefois qu’aucun élève n’ait été blessé.

Les élections de novembre seront donc le juge de paix qui permettra de mesurer l’ampleur d’un mouvement d’opinion qui a d’ores et déjà réussi à bousculer le consensus en faveur du port d’arme libre, ainsi qu’à frapper la NRA et ses adhérents au portefeuille. Leur ambition à présent, grâce aux mouvements en ligne, est de provoquer rien de moins qu’un bouleversement politique dans le pays aux cent millions de possesseurs d’armes à feu.


Le lycée Marjory Sonteman Douglas de Parkland, en Floride, a rouvert ses portes hier, deux semaines après la fusillade ayant coûté la vie à dix-sept lycéens. Les élèves oscillaient entre appréhension et volonté de surmonter l’épreuve, comme l’a confié à l’AFP Jenna Korsten, une élève de 17 ans : « Nous devons être forts dans ce genre de situation car nous sommes...

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De l'espoir, alors...

NAUFAL SORAYA

07 h 44, le 01 mars 2018

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  • De l'espoir, alors...

    NAUFAL SORAYA

    07 h 44, le 01 mars 2018

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