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Moyen Orient et Monde - Éclairage

Italie : après les élections, l’impossible coalition

La victoire des mouvements antisystème plonge tout le pays dans l’incertitude.

Le leader du parti populiste Mouvement 5 étroiles (M5S), Luigi di Maio, dont le parti est arrivé en tête des élections législatives. Filippo Monteforte/AFP

Les élections générales de dimanche ont été un coup de tonnerre pour le monde politique italien et, au-delà, européen. Les deux partis du gouvernement, au centre droit et au centre gauche, obtiennent les pires résultats de leur histoire, réunissant chacun moins de 20 % des voix, tandis que les partis populistes et d’extrême droite enregistrent des scores jamais atteints, sans que pour autant ne se dégage une majorité capable de gouverner.

Le grand vainqueur de dimanche soir est sans conteste le Mouvement 5 étoiles, ou M5S, dont la liste est arrivée nettement en tête avec 32 % des voix, dépassant largement son score de 2013 qui avait marqué son entrée en fanfare au Parlement. Son chef de file, le jeune Luigi di Maio, estime que « tout le monde va devoir nous parler » et les observateurs s’accordent pour dire que le président Matarella pourrait effectivement accéder à ce souhait en lui confiant le mandat de former le gouvernement, malgré l’émotion qui saisit le pays à l’idée d’être le premier en Europe à tenter l’expérience d’un gouvernement populiste. Contrairement à 2013, où sous l’influence de son fondateur Beppe Grillo le parti s’était arc-bouté dans une posture de refus, M. Di Maio s’est montré à plusieurs reprises pendant la campagne ouvert à l’idée d’une coalition, essentielle étant donné que le mouvement n’a pas la majorité à lui seul. L’interrogation réside cependant dans le choix du potentiel partenaire de gouvernement.

Le plus logique, politiquement parlant, pourrait être la Lega, le parti d’extrême droite du bouillant Matteo Salvini, dont les listes totalisent 17,5 % des voix et en font le troisième parti du pays, un score jamais atteint pour l’extrême droite depuis la chute du fascisme. Les deux partis populistes partagent un discours anti-élites et se rejoignent sur plusieurs points de leurs programmes respectifs : politique fiscale, immigration, lutte contre la corruption. Cependant, la coalition ne va pas de soi et les divergences idéologiques sont importantes. Pour Jean-Yves Camus, politologue et spécialiste des populismes et de l’extrême droite, si la Lega revendique son « appartenance à une droite assumée, identitaire », a contrario « le M5S est un parti dont la cohérence idéologique reste à démontrer », étant « plutôt droitier sur les questions de l’immigration et des réfugiés », ce qui est compatible avec la Ligue, mais penchant à gauche « par sa volonté d’un État protecteur des petites gens » et dont l’électorat « beaucoup plus diversifié socialement » que celui de Salvini ne se voit pas grand-chose en commun avec ce dernier. L’ultime obstacle à cette coalition est enfin la question du nom du chef de gouvernement, poste convoité par les deux chefs de parti.

Autre partenaire de coalition possible, le Parti démocrate (PD), jadis grande formation de centre gauche qui ne réunit plus aujourd’hui que 18 % des électeurs et se retrouve sans leader depuis la démission de Matteo Renzi hier soir. Si la coalition serait plus homogène du point de vue des électorats, une large partie des grillini étant d’anciens électeurs de gauche, elle représenterait un tournant à 180 degrés pour la formation populiste dont la raison d’être est de « mettre à la retraite » les vieux partis, y compris et surtout le PD, et les politiciens professionnels que sont ses cadres. De son côté, le Parti démocrate craint de perdre toute raison d’être s’il se réduit à être le supplétif d’un gouvernement dirigé par le M5S et confronté à une opposition de droite.


(Lire aussi : Quelle majorité pour diriger l’Italie ?)


Effondrement du Cavaliere

Dans l’hypothèse probable où le Mouvement 5 étoiles ne pourrait pas former de gouvernement, la coalition de droite formée avant les élections autour de Silvio Berlusconi pourrait avoir une chance d’arriver au pouvoir. Cependant, l’intransigeance de la Lega qui refuse toute idée de grande coalition avec la gauche, alors qu’il manque 70 sièges à l’ensemble des partis de droite pour atteindre la majorité absolue, rend cette option caduque. L’idée d’une coalition « à l’allemande », réunissant le PD et Forza Italia, le parti de Berlusconi, qui aurait rompu avec ses alliés d’extrême droite n’est pas non plus viable, ne réunissant que 204 sièges à la Chambre sur les 316 requis, signe de l’effondrement du Cavaliere qui régnait autrefois en maître absolu sur la droite italienne et ne réunit plus aujourd’hui que 14 % des voix.

Si les résultats finaux ne sont pas encore connus, il est d’ores et déjà certain que ces élections ont accouché d’un Parlement introuvable, où chaque coalition arithmétiquement possible voit se dresser devant elle des obstacles politiques presque insurmontables. La décision finale reste, en tout état de cause, entre les mains du président Sergio Matarella, qui sera peut-être forcé de convoquer très vite une nouvelle élection que beaucoup redoutent. Pour Jean-Yves Camus cependant, « que ce soit la Lega ou le M5S qui soit chargé de former le gouvernement, le mieux est toujours de les mettre aux pieds du mur en les laissant aux responsabilités pour voir s’ils peuvent faire autre chose que s’opposer ».



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