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Lifestyle - This is America

Le génie excuse-t-il tout, même les pires écarts de conduite ?

Les musées commencent à réagir aux comportements de leurs artistes, même les plus importants. Le débat est lancé.

Autoportrait de Chuck Close, un grand de l’art pictural américain, banni des cimaises.

Il s’est mal conduit, et dans l’ère du scandale Harvey Weinstein, ça ne pardonne pas. Les sanctions tombent et tout le monde y passe. C’est ce qui est arrivé à l’un des plus grands noms de la peinture et de la photographie américaines, Chuck Close, 78 ans, l’un des principaux représentants du courant hyperréaliste, dont une exposition, programmée par la National Gallery of Art pour le mois de mai, a été annulée. Une décision qui a provoqué de nombreuses réactions et conséquences, dont la plus grave : ses œuvres vont être décrochées car, selon la porte-parole de cet important musée de Washington, relevant du Smithsonian Institution, Chuck Close est accusé de conduite inappropriée. Ce que l’artiste nie complètement malgré diverses plaintes à ce sujet et un article dans les médias, en décembre dernier, rapportant qu’il avait demandé à des femmes, invitées à son studio, de se déshabiller tout en leur adressant des propos inconvenants.
Chuck Close n’est pas le seul à faire l’objet d’une telle annulation. La National Gallery of Art a également décidé d’annuler l’exposition, prévue en septembre prochain, du photographe Thomas Roma, également directeur du département de photographie de la Columbia University. Thomas Roma est accusé de harcèlement sexuel par cinq femmes qui ont été ses élèves.

Grands talents et grands violents
Le cas de Chuck Close a ouvert un grand débat : faut-il séparer le talent du comportement personnel d’un artiste ? Kim Sajet, directrice de la National Portrait Gallery, précise : « On ne peut parler de l’art du portrait en Amérique sans parler de l’apport de Chuck Close. Il existe, par ailleurs, un grand nombre d’artistes extraordinaires qui n’ont pas eu de vie exemplaire. » La plupart des curateurs et des directeurs de musées reconnaissent que décider ou non d’exposer un artiste en fonction de critère relevant non de son art, mais de son comportement, est une route dangereuse. La plupart des institutions possédant des œuvres de Chuck Close dans leurs collections n’ont pas l’intention d’en priver le public car, pour elles, ce peintre et photographe n’a pas, à ce jour, été reconnu coupable d’un délit, et les accusations portées contre lui n’ont pas été jugées.
 « À combien de tests allons-nous soumettre les artistes pour juger leur conduite ? demande Jock Reynolds, directeur de la Yale University Art Gallery. Pablo Picasso avait, en son temps, brutalisé de nombreuses femmes. Allons-nous décrocher ses toiles ? Une autre question à se poser : l’art doit-il être uniquement perçu sous son aspect formel ? »Picasso était un des plus grands de l’art contemporain, certes, mais comment oublier qu’il avait qualifié les femmes de « machines à souffrir ». Ce n’est un secret pour personne qu’il avait été violent avec toutes les femmes de sa vie, épouses, muses et maîtresses. Certaines, d’ailleurs, se suicideront, brisées.
L’histoire de l’art regorge ainsi de génies à la redoutable réputation. Au XVIe siècle, Le Caravage avait blessé mortellement un adversaire au cours d’un duel. Cette accusation de meurtre le poussera à quitter Rome et passer le reste de sa vie en exil. Au début du XXe siècle, le peintre Egon Schiele, accusé de pornographie, avait passé 24 jours en prison pour détournement d’une mineure de 13 ans.
En dépit des scandales, étouffés ou pas, les musées continuent à penser que la qualité du grand art doit être séparée de la vie de son créateur. Oscar Wilde déclarait à ce sujet : « Le public est vraiment tolérant : il pardonne tout, sauf le génie. »


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commentaires (1)

...""Allons-nous décrocher ses toiles ? Une autre question à se poser : l’art doit-il être uniquement perçu sous son aspect formel ? »Picasso était un des plus grands de l’art contemporain, certes, mais comment oublier qu’il avait qualifié les femmes de « machines à souffrir ». Ce n’est un secret pour personne qu’il avait été violent avec toutes les femmes de sa vie, épouses, muses et maîtresses. Certaines, d’ailleurs, se suicideront, brisées."" Autrement dit, faut-il revoir l’histoire de l’art ? Le regard féministe compte désormais, mais comment juger une époque (où les femmes en France ne votaient pas), un artiste avec les critères d’aujourd’hui ? Pourquoi on admet ces écarts de conduite, parce qu’on se sent plus proche de l’artiste qu’on admire. Et du politicien qui a du sang sur les mains ? Lire également Le Figaro du mardi 20 mars 2018 où une page entière traite de Picasso et les déclarations de la biographe …

L'ARCHIPEL LIBANAIS

13 h 21, le 08 juin 2018

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Commentaires (1)

  • ...""Allons-nous décrocher ses toiles ? Une autre question à se poser : l’art doit-il être uniquement perçu sous son aspect formel ? »Picasso était un des plus grands de l’art contemporain, certes, mais comment oublier qu’il avait qualifié les femmes de « machines à souffrir ». Ce n’est un secret pour personne qu’il avait été violent avec toutes les femmes de sa vie, épouses, muses et maîtresses. Certaines, d’ailleurs, se suicideront, brisées."" Autrement dit, faut-il revoir l’histoire de l’art ? Le regard féministe compte désormais, mais comment juger une époque (où les femmes en France ne votaient pas), un artiste avec les critères d’aujourd’hui ? Pourquoi on admet ces écarts de conduite, parce qu’on se sent plus proche de l’artiste qu’on admire. Et du politicien qui a du sang sur les mains ? Lire également Le Figaro du mardi 20 mars 2018 où une page entière traite de Picasso et les déclarations de la biographe …

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