Bien que la saison du ramadan rime avec religion et jeûne, elle est également l’occasion de voir se multiplier les feuilletons et autres mégaproductions télévisées. Un nouveau profil d’héroïne apparaît dans ces représentations très attendues par les téléspectateurs, notamment des feuilletons comme W Mchit, Tango ou al-Hob al-Hakiki : l’image de la femme bien rangée, à l’éducation irréprochable et qui s’agrippe à sa réputation comme à une bouée en plein océan, est petit à petit écartée au profit de la femme épanouie, affranchie de toutes les contraintes sociales et même parfois, osons le dire, morales. La femme, ses sentiments, son corps, ses besoins, sont désormais placés au centre de plusieurs des feuilletons présentés à une audience qui, tout en restant critique et même, pour certaines tranches d’âge, sceptique, savoure ces moments de libertinage et de passion sans modération. La femme libanaise, indépendante, est pour la plupart du temps présentée comme maîtresse de son sort, même dans les situations qui lui échappent ou qui lui sont imposées. Les réalisateurs et surtout les scénaristes réussissent à modeler un personnage fort et persévérant, transformant ses échecs en réussites, lui permettant de rebondir à la fin de chaque situation dramatique. Toutes les barrières érigées par les traditions et les coutumes semblent s’estomper face à la volonté de cette femme qui n’est plus forcément piégée dans son rôle de victime d’une société patriarcale, sauf dans certains feuilletons comme al-Hayba.
Les contraintes sont toujours des limites bien réelles et la société patriarcale est omniprésente, mais, du moins, la femme orientale, en général, et libanaise, en particulier, lève la tête désormais, et se fraie un chemin bien tracé dans un monde d’hommes bizarrement solidaires. Le choc des générations se fait toutefois ressentir, même au niveau des scenarii, qui tiennent à mettre en exergue le fossé qui s’élargit de plus en plus entre les habitudes des aînés et l’émancipation des plus jeunes, tous sexes confondus.
Ce qui était inconcevable à la télé libanaise il y a dix ans est admis actuellement et reflète une nouvelle philosophie sociale et une affirmation de l’occidentalisation de la société. Le célibat et les relations sexuelles des jeunes filles ne sont plus un sujet aussi tabou dans certaines sphères qui éduquent les filles avec la même conception que les garçons. La raison derrière ce changement radical des fils conducteurs des principaux feuilletons, qui restent majoritairement orientaux, est la nouvelle tendance des jeunes à refuser de suivre les pas de leurs prédécesseurs. Inutile de citer les principaux instigateurs et pionniers du cinéma libanais qui ont creusé la brèche dans le mur moyenâgeux des mentalités, il suffit de savourer le manque d’hypocrisie dont jouissent actuellement les productions libanaises et libano-syriennes. Seul bémol : l’absence totale dans les différents textes d’une personnalité féminine politique, qui assume pleinement son rôle et qui commence à éveiller le téléspectateur sur ce déséquilibre socioculturel de plus en plus pesant et révélateur d’une société encore inapte à avouer le rôle primordial de la femme, non seulement dans la vie publique, mais surtout dans la vie politique.
Les sujets ne manquent pas dans la vie quotidienne pour inspirer les scénaristes, tout comme le projet actuel de naturalisation des ressortissants syriens et palestiniens, dont des femmes : une claque à toutes les femmes libanaises auxquelles on interdit, au nom de la loi, de donner leur nationalité à leurs enfants issus d’un mariage avec un non-Libanais. Entre émancipation sur le petit écran et réalité au goût encore amer, un long chemin de scénarios est prévu….
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commentaires (4)
Tout dépend de ce qu'on entend par 'occidentalisation'. On doit être prudent avec ces mots d'orientalization et d'occidentalisation car j'ai l'impression que les uns accusent les autres à tort. Ici dans cet article je pense qu'on fait référence à quelques bons points de l'occident comme on écrit "refuser être victime d’une société patriarcale". Mais attention, aussi en occident l'histoire et les textes anciens montrent clairement que la femme devait aussi demander permission à l'homme, donc "l'occident" c'était ou c'est toujours encore une société patriarcale donc ce n'est pas juste d'accuser l'orient d'être pire. On doit être diplomatique sans pointer le doigt.
Stes David
17 h 26, le 10 juin 2018