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L’art et la manière

Comment gérer la crise migratoire, qui affecte déjà une partie substantielle de la planète? Extrêmement variés sont les modes d’emploi. Nul de ceux-ci n’échappe toutefois à la critique, les considérations humanitaires se heurtant en effet à la terreur qu’inspirent aux nations ces coulées de misérable lave humaine crachées sans répit par les volcans politiques d’Afrique et du Moyen-Orient.


Les exemples de cette fragile diversité n’ont guère manqué, ces derniers jours. Donald Trump n’a jamais fait dans la dentelle, multipliant les mesures discriminatoires, dénonçant le laxisme européen en la matière et demeurant plus que jamais décidé à édifier un mur le long de la frontière avec le Mexique. Or maintenant qu’il s’en tient à la tolérance zéro et qu’il fait emprisonner les immigrés illégaux au lieu de les refouler, le chef de la Maison-Blanche écope de l’énorme fardeau moral que représentent ces camps pour enfants séparés de leurs parents, et qu’il serait par trop scandaleux d’embastiller, eux aussi. Face à la vague d’indignation suscitée par l’institution de ces honteuses garderies, c’est l’épouse du président, Melania, qui est intervenue dans le débat national. Plaidant tout à la fois pour le respect de la loi et pour la place qui doit être faite au cœur dans tout gouvernement, elle a appelé les deux grands partis américains à s’entendre rapidement sur une réforme migratoire.


De l’autre côté de l’Atlantique, il s’avère qu’Angela Merkel avait vu trop grand en ouvrant les vannes de l’intégration, croyant ainsi rajeunir une population allemande vieillissante. Or non seulement son gouvernement de coalition est aujourd’hui menacé d’implosion, puisque son ministre conservateur de l’Intérieur (chaleureusement applaudi par Trump) se propose de refouler dès le mois prochain tout immigrant venant d’un quelconque pays européen; mais elle doit encore obtenir à l’arraché un accord au sein de l’Union européenne, où l’on voit une Italie excédée par les incessantes marées méditerranéennes de demandeurs d’asile en venir à fermer ses ports aux ONG portant secours aux naufragés.


Parlant de diversité, unique en son genre reste, à plus d’un titre, le cas du Liban, qui héberge en ce moment plus d’un million et demi de réfugiés– syriens s’ajoutant aux palestiniens–, soit un tiers de sa propre population. Il va sans dire que notre petit pays, terre d’asile, n’a ni vocation ni d’ailleurs les moyens de refouler ces malheureux. Dès le début de l’exode massif de Syrie, ce journal n’a cessé de mettre en garde contre le terrible paradoxe, l’insoluble dilemme qui sont notre triste lot. Trop peu d’assistance internationale aurait ainsi pour résultat de mettre le Liban en banqueroute, mais aussi de transformer les camps de réfugiés en viviers de criminels ou, pire encore, de terroristes ; en revanche, les règles et obligations imposées aux États hôtes ne sauraient s’appliquer telles quelles, sans péril mortel, à un pays à la texture démographique aussi particulière que le Liban, un pays aussi cruellement échaudé par l’expérience des hébergements théoriquement provisoires.


Cette quadrature du cercle, ce n’est que sur le tard que les autorités se sont décidées à l’affronter, en s’y prenant fort mal de surcroît. S’appropriant le dossier sans y être dûment mandaté par le gouvernement, le ministre des Affaires étrangères a pratiquement déclaré la guerre au Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Dans l’exigence d’un retour volontaire et sécurisé de ces derniers, il a vu une volonté délibérée de favoriser leur implantation définitive. De là où la contestation requérait des trésors de diplomatie, c’est en condottiere, en tartarin, en démagogue s’attirant à son tour des accusations de xénophobie, que s’est comporté le diplomate en chef : qui, de bien mesquine manière, a cru bon de geler les permis de séjour des fonctionnaires onusiens. Tout cela pour finir par baisser le ton; tout cela sans jamais mettre sérieusement en question l’attitude suspecte d’un régime syrien visiblement guère pressé de récupérer ses expatriés.


Défendable demeure, malgré tant de gâchis, le dossier du Liban. Ce qui pose surtout problème, c’est l’avocat marron.


Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

Comment gérer la crise migratoire, qui affecte déjà une partie substantielle de la planète? Extrêmement variés sont les modes d’emploi. Nul de ceux-ci n’échappe toutefois à la critique, les considérations humanitaires se heurtant en effet à la terreur qu’inspirent aux nations ces coulées de misérable lave humaine crachées sans répit par les volcans politiques d’Afrique et du...