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Liban - Communication

Comment aider les jeunes à mieux décrypter les flux d’informations

Le projet « MIL4Peace », mis en place au Liban par la DW Akademie, forme des élèves ou leurs enseignants à la manière de mieux gérer leur approche des médias et réseaux sociaux.

Apprendre aux jeunes les bonnes pratiques sur internet.

L’éducation aux médias, ou media literacy en anglais, est un concept qu’il est de plus en plus utile de répandre, et pour cause. Avec la multiplication des sources d’information grâce à internet, et la prolifération des réseaux sociaux, il devient indispensable de savoir comment les médias affectent notre vie et celle des autres. Sans compter que cette ouverture au monde peut également se transformer en prétexte à harcèlement, véhiculant volontiers le discours de haine. Apprendre à gérer ce flux d’informations, souvent utile mais parfois hostile, est l’essence du projet MIL4Peace.

MIL4Peace (MIL signifiant « Media Information Literacy ») est mis en place au Liban par la Deutsche Welle Akademie, avec ses partenaires MDLAB (Media and Digital Literacy Academy of Beirut) de la Lebanese American University, le Permanent Peace Movement (PPM, Mouvement permanent de paix) et l’école Jesus & Mary, avec un financement de trois ans assuré par l’Union européenne et le ministère allemand des AE.

L’idée, c’est d’initier la jeunesse à l’identification et au décryptage de la propagande, aux bonnes pratiques sur internet, à la gestion de la « cyberintimidation » (cyberbullying) et même du discours de haine, ou encore à la création de sa propre matière à partager (petites vidéos par exemple).
Le projet contribue à former au MIL des personnes qui, à leur tour, forment des enseignants pour la sensibilisation des élèves, ou alors entrent en communication avec les jeunes directement. Dans ce cadre, la DW Akademie et ses partenaires collaborent avec des ONG qui œuvrent soit dans des établissements scolaires, soit dans des camps de réfugiés ou avec des réfugiés.


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Réfléchir avant le clic
Verena Wendisch et Mona Najjar, responsables de ce projet au sein de la DW Akademie au Liban (l’une en est l’initiatrice et l’autre la directrice), expliquent qu’il est indispensable de familiariser les jeunes avec ce que sont les médias, afin qu’ils comprennent la portée des messages qu’ils envoient ou reçoivent… À titre d’exemple, il s’agit d’apprendre quand partager des photos ou des informations personnelles, et lesquelles, etc.

Réfléchir avant de faire un clic, de partager telle ou telle information ou photo, de donner tel ou tel avis sur les réseaux sociaux est l’un des objectifs majeurs des formations. Celles-ci se focalisent sur les « règles » imposées par des réseaux comme Facebook ou YouTube, mais aussi sur ce qui peut constituer un certain risque pour les internautes, comme celui de poursuites légales par exemple (ce qui est arrivé fréquemment au Liban, notamment). « Beaucoup oublient que les réseaux sociaux sont des espaces publics et non privés, soulignent Verena et Mona. La liberté d’expression est un droit humain. Mais il est important que les jeunes soient conscients de leurs droits, entre liberté d’expression et éthique. Ils doivent être capables de protéger leur intimité tout en sachant qu’ils pourraient être passibles de poursuites ou de reddition de comptes sur ce qu’ils publient. Bref, que leur utilisation des réseaux soit basée sur le savoir. »

Ces formations insistent beaucoup sur le harcèlement en ligne, celui que l’on subit ou celui que l’on exerce, très souvent par manque de sensibilisation sur l’effet qu’il produit sur l’autre, puisque celui-ci n’est pas en face de soi. Durant les formations, les jeunes racontent souvent leurs bonnes et mauvaises expériences en ligne. Il est utile de leur donner les moyens de s’exprimer sur cette intimidation en ligne au lieu de les laisser êtres consumés par elle, et d’apprendre à trouver par eux-mêmes des moyens d’y répondre efficacement, par l’humour à titre d’exemple, estiment les responsables du programme.

Souvent, le programme cherche à former des jeunes qui pourront aider leurs pairs à faire face à de telles circonstances, plus efficacement que ne le ferait un adulte. Il explore aussi les conséquences qu’aura une telle intimidation en ligne si elle est négligée trop longtemps. Pour ce qui est du discours de haine en particulier, des campagnes de sensibilisation sont effectuées dans les établissements.


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Les secrets des réseaux
Interrogées sur une éventuelle spécificité du Liban, Verena Wendisch et Mona Najjar font valoir que cette problématique est universelle, et que s’il faut définir une caractéristique libanaise, elle serait dans la diversité des médias qui appartiennent souvent à des parties politiques. Apprendre donc aux jeunes à décrypter ce qu’il y a derrière le message véhiculé par les médias, suivant leur appartenance, fait partie du programme. Dans l’absolu, ils ne seront plus de simples réceptacles de ces messages (médias, campagnes, publicité…), mais pourront garder leur esprit critique éveillé. En faisant, par exemple, la différence entre ce qui est une information pure ou ce qui constitue une opinion.

Le fonctionnement même des grands réseaux sociaux est un domaine dans lequel il est bon d’être informé, comme l’a montré le récent scandale du partage, par Facebook, de données relatives à ses abonnés sans leur consentement. Les formations s’attaquent aussi à cet aspect, informant les participants sur le fait que, par exemple, WhatsApp appartient à Facebook, et qu’il existe un risque de données partagées entre les deux réseaux avec des moyens de s’en prémunir.

Formation dans les camps
Dans la pratique, les formations en éducation aux médias présentent de nombreux défis. C’est ce qu’explique à L’OLJ Faten Jebaï, journaliste libanaise freelance et formatrice dans des programmes de la DW Akademie au Liban. Elle évoque notamment un programme de formation qu’elle a donné dans un camp de réfugiés syriens dans la Békaa, pour des jeunes de 12 à 21 ans. Bien que vivant dans une situation précaire, ils sont munis de téléphones portables connectés, et sont exposés à des dangers comme l’intimidation en ligne ou le discours de haine. « Certains ont fait état d’expériences de ce genre, plus des jeunes filles que des garçons, souligne-t-elle. L’une d’elles a raconté avoir engagé une conversation avec un homme qui s’est présenté comme étant un médecin syrien, mais qui s’est avéré être un agent du régime qui tentait d’obtenir des informations sur elle. Elle l’a démasqué le jour où elle a vu le vrai médecin à la télévision. »

La formatrice pense cependant que les cas de harcèlement ne sont pas légion, mais que les jeunes hommes, surtout, ont tendance à publier des contenus pouvant porter atteinte à d’autres, en pensant que c’est une blague. « Nous leur faisons prendre conscience de la portée de leurs actes », dit-elle. D’autre part, la formation à la création d’un contenu pouvant être partagé sur les réseaux donne libre cours à leur créativité.

Pour mieux faire profiter ses apprenants, Faten Jebaï donne un aspect très pratique à sa formation, en appliquant tout directement sur les portables des participants. « J’ai été surprise par le niveau de leurs connaissances, eux qui sont pratiquement privés de tout, raconte-t-elle. Peut-être est-ce parce qu’ils n’ont pas d’autres loisirs et qu’ils se consacrent beaucoup à leurs activités en ligne. »

Quoi qu’il en soit, le sujet de l’éducation aux médias ne concerne pas qu’une catégorie de la population, ou une catégorie d’âge en particulier. Tous les utilisateurs devraient être mieux renseignés, d’où l’importance de cette thématique. Pour ce qui est de ce programme, Verena Wendisch et Mona Najjar affirment qu’il donnera lieu à une étude portant sur la comparaison entre des personnes ayant suivi une telle formation et d’autres qui ne l’ont pas fait.



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