Rechercher
Rechercher

Moyen Orient et Monde - Conflit

Le régime syrien a-t-il renoncé à Idleb ?

Un accord signé entre la Russie et la Turquie semble donner satisfaction à cette dernière en ce qui concerne le statut de la région du Nord-Ouest syrien.

Des ambulances transportant des habitants des villages de Foua et Kfarya, nécessitant des soins médicaux urgents, arrivent dans la nuit du 19 juillet 2018 dans le territoire tenu par le régime syrien du point de passage d’al-Eis au sud d’Alep. Georges Ourfalian/AFP

Le régime syrien aurait-il renoncé à la reconquête de la province d’Idleb ? À court terme, la réponse pourrait être positive. La Russie, alliée de Bachar el-Assad, et la Turquie, qui soutient de son côté les rebelles, ont conclu mardi un accord permettant l’évacuation des villages chiites prorégime de Foua et de Kfarya, dans la province d’Idleb (Nord), en échange de la libération par Damas de 1 500 prisonniers. Ces deux localités étaient encerclées depuis trois ans par des groupes rebelles et jihadistes, et représentaient également les deux dernières localités prorégime de Syrie à être en état de siège.

Dans la nuit de mercredi à jeudi, après des heures d’attente, près de 7 000 personnes ont ainsi été rassemblées et conduites, à l’aide de bus affrétés par le régime syrien, vers la ville d’Alep, 50 km plus au nord. Une précédente tentative d’évacuation avait déjà été menée de manière coordonnée dans les deux villages de Foua et de Kfarya, ainsi que dans les villes de Madaya et Zabadani (proches de Damas), en avril 2017. Un attentat-suicide avait cependant visé un convoi de civils ayant quitté Foua et Kfarya, causant la mort de 150 personnes dont 72 enfants.
L’une des clauses de l’accord russo-turc de mardi risque toutefois de compliquer la situation, tant pour le régime syrien que pour ses alliés en ce qui concerne la reconquête du pays par les forces de Bachar el-Assad. Selon les propos rapportés par l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), cet accord stipule que le régime syrien ne doit opérer aucune offensive militaire dans la province d’Idleb. Ce deal russo-turc pourrait donc représenter, à court terme, l’abandon de cette province aux mains des forces rebelles présentes sur place. « C’est aussi une rupture symbolique importante pour les milices chiites pro-iraniennes qui combattent en Syrie et notamment dans ces zones pour la protection du chiisme duodécimain », affirme Thomas Pierret, chargé de recherche au CNRS-IREMAM d’Aix-en-Provence. Cette région représente cependant une zone de première importance pour Bachar el-Assad qui ne devrait pas avoir l’intention de la laisser trop longtemps sous le contrôle des insurgés.


(Lire aussi : Foua et Kfarya, villages chiites assiégés dans le Nord-Ouest syrien, évacués)

Ankara obtient satisfaction
La région d’Idleb est en effet stratégique de par sa position géographique. Elle est frontalière de la Turquie, mais également de la province de Lattaquié, fief du régime et berceau de la famille Assad. Elle est également l’un des derniers bastions à échapper à Damas et abrite de nombreux groupes jihadistes et rebelles, aux idéologies différentes. L’essentiel de la région est cependant dominé par le groupe Hay’at Tahrir el-Cham (HTC), l’ancienne branche d’el-Qaëda en Syrie.

Idleb a par ailleurs servi, au régime syrien, d’espace géographique où envoyer des rebelles dans le cadre des accords passés entre Damas et les insurgés, lors de la reconquête des villes et villages rebelles par le régime et ses alliés russes et iraniens. Selon ces deals, les combattants ayant refusé de déposer les armes ont été transférés vers la région d’Idleb afin d’y rejoindre les autres groupes de l’opposition. En outre, la région d’Idleb constitue l’une des quatre zones dites de « désescalade » décrétées par Moscou, Ankara et Téhéran en vertu de l’accord d’Astana signé l’année dernière, et dont l’objectif est de tenter de faire baisser le niveau de violences en Syrie. Suivant les principes de cet accord, la Turquie a érigé plusieurs postes d’observation dans la province d’Idleb afin de réduire le risque d’escalade des combats entre les insurgés et les forces de Damas. Elle a dans le même temps renforcé son influence dans la zone du Nord-Ouest syrien et en particulier dans la zone d’Idleb. Ankara s’est même servi de son influence auprès des rebelles de l’Armée syrienne libre (ASL) pour intervenir contre les forces kurdes des YPG (Unités de protection du peuple) dans le cadre de l’opération « Rameau d’olivier » visant à sécuriser la frontière turco-syrienne de ces milices kurdes, qu’il considère comme terroristes. Cette zone est donc devenue stratégique pour Ankara qui la considère comme chasse gardée, à tel point que certains observateurs de la région affirment que « les Turcs veulent établir une sorte de protectorat sur Idleb, ou ce qu’il en reste », explique à L’OLJ Fabrice Balanche, géographe français spécialiste de la Syrie.Mais face aux récentes victoires du régime syrien dans la province de Deraa, dans le sud du pays, et à la volonté de Bachar el-Assad de reconquérir son pays, le président turc Recep Tayyip Erdogan a tenu à mettre les points sur les « i » en ce qui concerne le statut d’Idleb et d’éventuelles opérations militaires dans cette région.


(Lire aussi : Erdogan met Poutine en garde contre les conséquences d'un assaut à Idleb)


Le « Reïs » turc a prévenu samedi son homologue russe Vladimir Poutine que l’accord d’Astana serait annulé en cas d’offensive sur la province. Si cette attaque devait se produire, le président turc risquerait de voir des milliers de déplacés s’amasser à la frontière turco-syrienne, alors qu’il essaye de faire en sorte que les Syriens présents en Turquie retournent chez eux et ne pas avoir à accueillir de nouveaux réfugiés qui viendraient s’ajouter aux trois millions et demi déjà présents sur le sol turc. En fin de compte, M. Erdogan semble avoir obtenu satisfaction compte tenu des principes de l’accord d’évacuation de Foua et de Kfarya. Idleb est donc pour le moment hors de portée tant pour le président syrien que pour ses alliés. Damas pourrait donc se concentrer sur une autre cible avant de s’attaquer au « gros morceau » que représente Idleb. « Le régime, par cet accord, accepte de renoncer à cette zone à court terme. Il est pour l’instant focalisé sur Deraa et va sans doute se concentrer sur la zone sous contrôle des Américains et des Kurdes dans l’Est », poursuit Fabrice Balanche. « Il se passera quelques mois avant que le régime ne tente, par le biais de petits accords avec la Turquie, de reprendre des zones qui lui sont chères et qui se situe aux alentours d’Idleb, comme par exemple des régions autour de Lattaquié », conclut-il.


Lire aussi

Après Deraa, le régime de Damas confronté à un dilemme cornélien

Comment la révolution syrienne a été tuée

Laminé dans ses fiefs syriens, l’EI tente un retour dans la province d’Idleb

Erdogan demande à Poutine de stopper les attaques à Idleb

Le régime syrien aurait-il renoncé à la reconquête de la province d’Idleb ? À court terme, la réponse pourrait être positive. La Russie, alliée de Bachar el-Assad, et la Turquie, qui soutient de son côté les rebelles, ont conclu mardi un accord permettant l’évacuation des villages chiites prorégime de Foua et de Kfarya, dans la province d’Idleb (Nord), en échange de la...

commentaires (2)

Absolument pas. Le héros Bachar al Assad ne renoncera à rien . Tenez vous le pour dit. L'axe panse déjà à nettoyer Idlib de ses éléments wahabites.

FRIK-A-FRAK

10 h 39, le 20 juillet 2018

Tous les commentaires

Commentaires (2)

  • Absolument pas. Le héros Bachar al Assad ne renoncera à rien . Tenez vous le pour dit. L'axe panse déjà à nettoyer Idlib de ses éléments wahabites.

    FRIK-A-FRAK

    10 h 39, le 20 juillet 2018

  • CERTES QUE NON MAIS CE QUI RESTE AUX MAINS DES REBELLES SYRIENS VA FAIRE L,OBJET DE NEGOCIATIONS PLUTOT INTERNATIONALES !

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 18, le 20 juillet 2018

Retour en haut