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Liban - Décryptage

Le gouvernement entre les interférences externes et l’épineux dossier des relations avec la Syrie

Officiellement, toutes les parties politiques affirment qu’il n’y a aucune interférence étrangère dans le processus de formation du gouvernement. S’il faut les croire, les « nœuds », comme on les appelle désormais, seraient donc entièrement internes et seraient liés à la délimitation du poids politique de chaque partie dans un gouvernement qui devrait rester en place jusqu’à la fin du mandat et jouer un rôle déterminant dans les prochaines élections.
Dans un entretien avec le quotidien al-Akhbar, le chef de l’État a ainsi été très précis, déclarant qu’aucune partie étrangère n’intervient auprès de lui dans les négociations pour la formation du gouvernement. Le président Aoun parlait sans doute pour lui, mais ce n’est peut-être pas le cas des autres responsables. Pourtant, le Premier ministre a été, de son côté, encore plus catégorique en affirmant qu’il n’y a aucune intervention extérieure qui entrave la formation du gouvernement. Il a fait cette déclaration à l’issue d’un de ses voyages à l’étranger, ajoutant qu’il prend son temps dans la formation pour pousser les parties qui ont des revendications à revenir à des exigences plus modestes et plus réalistes pour faciliter le processus.

Des propos somme toute assez rassurants, mais qui sont en contradiction avec certaines positions extérieures, lesquelles, sans le dire clairement, donnent un tout autre son de cloche. La semaine dernière, le ministre yéménite des Affaires étrangères dans le gouvernement du président Abed Rabbo Mansour Hadi, appuyé par les Saoudiens et les Émiratis, Khaled al-Yamani, a adressé une lettre de protestation à son homologue libanais au sujet du « comportement agressif du Hezbollah », l’appelant à y mettre un terme et à se conformer à la politique dite de distanciation dans le conflit yéménite.


(Lire aussi : Face à Bassil, Geagea rompt avec la politique d’apaisement)


Quelques jours plus tard, c’était au tour du représentant de l’Arabie saoudite à l’ONU, l’ambassadeur Abdallah al-Mouallimi, de déclarer, dans un entretien télévisé, que son pays comptait affronter le Hezbollah libanais sur toutes les scènes et dévoiler ses pratiques devant la communauté internationale. Le représentant saoudien a même été jusqu’à accuser le Hezbollah de chercher à déstabiliser « la nation arabe ». Enfin, le ministre d’État émirati chargé des Affaires étrangères, Anouar Gargash, a déclaré, sur son compte Twitter, que le Liban doit revenir à la politique de distanciation, sérieusement mise à mal dans le conflit yéménite. Dans le même sillage, des milieux diplomatiques occidentaux laissent entendre que les chancelleries occidentales suivent de près les tractations pour la formation du gouvernement et attendent de voir quels portefeuilles seront octroyés au Hezbollah pour évaluer s’ils remettent en question leur coopération avec le Liban. En principe, l’Union européenne fait une distinction entre l’aile armée du Hezbollah et l’aile politique qui n’est pas classée dans la liste des organisations terroristes.

Mais les négociations actuelles sont l’occasion de rappeler que la participation du Hezbollah au conflit syrien est dangereuse et pourrait entraîner des réactions israéliennes, surtout à l’heure où ce parti a décidé de s’impliquer à fond dans le processus du retour des déplacés syriens chez eux en utilisant pour cela ses relations avec le régime syrien. Dans le camp adverse, des responsables syriens sont en train, à leur tour, de faire pression sur les Libanais en soumettant l’ouverture de la route commerciale entre le Liban, la Syrie, l’Irak et la Jordanie (vitale pour l’économie libanaise à un moment où celle-ci traverse une grave crise) à un accord avec le gouvernement libanais, alors que l’Iran a envoyé un émissaire spécial à Beyrouth pour discuter de la situation régionale et de la coopération entre les deux pays, à l’heure où la tension entre les pays du Golfe et l’Iran monte dans la région. Mais, selon les observateurs politiques, la visite de l’émissaire iranien était destinée à rappeler que ce pays a une influence considérable au Liban.


(Lire aussi : La semaine prochaine sera « décisive » pour la formation du cabinet, selon Aoun)


Face à ces déclarations diplomatiques contradictoires, on peut difficilement croire que le blocage dans la formation du gouvernement est uniquement interne. D’autant que les tractations se déroulent à un moment critique où la situation régionale se complique, alors que les pays du Golfe semblent décidés à marquer ne serait-ce qu’une victoire de forme sur l’Iran, que ce soit au Yémen ou en Syrie, ou encore en Irak et au Liban. Comme la classe politique interne libanaise est divisée et que les appétits gouvernementaux sont ouverts, ces pays pensent pouvoir en profiter pour réduire l’influence du Hezbollah. D’abord, ils ne veulent pas lui permettre de prendre en charge des portefeuilles importants, ensuite, ils s’opposent à ce qu’il obtienne le tiers de blocage. Dans le camp adverse, il y a aussi une volonté de profiter des résultats des élections législatives pour maintenir l’avantage obtenu par le Hezbollah et ses alliés.

Le Liban semble ainsi plus que jamais soumis aux influences étrangères. Pourtant, en y regardant de plus près, on constate que les problèmes soulevés sont artificiels car, d’une part, les alignements politiques ne sont plus les mêmes depuis 2005 et 2009, et, d’autre part, comme l’a déclaré le président de la Chambre, la majorité et le tiers de blocage varieront selon les dossiers.
Par contre, la réalité, c’est que des dossiers bien plus délicats attendent le gouvernement dès qu’il sera formé, comme notamment la question des relations du Liban avec la Syrie. Avec l’ouverture du point de passage (syro-jordanien) de Nassib, elles ne peuvent plus se limiter au dossier sécuritaire et à celui des déplacés. C’est peut-être la raison pour laquelle le Premier ministre n’est pas pressé de former le gouvernement...


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Officiellement, toutes les parties politiques affirment qu’il n’y a aucune interférence étrangère dans le processus de formation du gouvernement. S’il faut les croire, les « nœuds », comme on les appelle désormais, seraient donc entièrement internes et seraient liés à la délimitation du poids politique de chaque partie dans un gouvernement qui devrait rester en place...

commentaires (2)

"La visite de l'émissaire spécial iranien à Beyrouth est à rappeler que ce pays a une influence considérable au Liban." Pas du tout, l'influence est uniquement sur le Hezbollah, membre du Wilayat et el-Fakih. L'Union soviétique avait une influence totale sur tous les partis communistes de monde y compris sur le petit parti communiste américain. L'Union soviétique devenue la Russie, tous les partis communistes ont disparu avec la défunte URSS.

Un Libanais

11 h 22, le 20 juillet 2018

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Commentaires (2)

  • "La visite de l'émissaire spécial iranien à Beyrouth est à rappeler que ce pays a une influence considérable au Liban." Pas du tout, l'influence est uniquement sur le Hezbollah, membre du Wilayat et el-Fakih. L'Union soviétique avait une influence totale sur tous les partis communistes de monde y compris sur le petit parti communiste américain. L'Union soviétique devenue la Russie, tous les partis communistes ont disparu avec la défunte URSS.

    Un Libanais

    11 h 22, le 20 juillet 2018

  • DE GRACE, TRES CHERE MADAME SCARLETT HADDAD, NE PRENEZ PAS LES LECTEURS POUR DES PRUNES ! LES DECLARATIONS CONTRE LES INTERVENTIONS DU HEZBOLLAH DANS LES PAYS ARABES RETARDENT LA FORMATION DU GOUVERNEMENT ? DE GRACE ! RESPECTEZ L,INTELLIGENCE DES AUTRES... ET ETC... ETC... ETC...

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 46, le 20 juillet 2018

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