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Moyen Orient et Monde - Décryptage

Sukhoï syrien abattu par Israël : accident ou provocation ?

Si l’intrusion de l’avion de chasse syrien dans le ciel israélien était intentionnelle, elle marque une étape franche dans l’examen des lignes rouges israéliennes par Damas.

Un avion bombardier russe Sukhoï Su-24 décolle de la base aérienne de Hmeimim dans la province syrienne de Lattaquié, 3 octobre 2015. AFP AFP Photo / Komsomolskaya Pravda / Alexander Kots

L’armée syrienne a-t-elle marché accidentellement sur les pieds du voisin israélien ? Israël a abattu mardi un chasseur Sukhoï des forces syriennes. Tel-Aviv a affirmé que l’appareil avait pénétré dans son espace aérien au-delà de 2 km depuis sa frontière. L’organe de presse du régime SANA a donné une version différente, confirmant que l’avion avait été détruit par l’État hébreu, mais au-dessus des zones rebelles qu’il bombardait.

L’hypothèse dominante relayée par l’establishment sécuritaire israélien est une déviation de trajectoire. Le chasseur peut parcourir 430 mètres en une seconde, l’enclos dans lequel l’armée syrienne combat la dernière poche insurrectionnelle occupée par la filiale locale de l’État islamique est donc vite parcouru. Pour Michael Horowitz, consultant à LeBeck International, joint par L’Orient-Le Jour, il n’est pas « absolument clair que ces incidents représentent, du côté d’Assad, un test. L’offensive contre Jaich Khaled Ibn Walid, l’organisation liée à l’État islamique qui reste la seule force en présence près du Golan non affiliée au régime, est difficile. C’est ce qui explique l’utilisation de missiles sol-sol lourds Tochka, et de raids aériens sans lesquels le régime a du mal à avancer ». Le carrefour exigu de l’Ouest syrien, au croisement des frontières syrienne, jordanienne et israélienne, est peu propice à un déchaînement de feu.

« C’est une violation patente de l’accord de séparation de 1974 entre Israël et la Syrie », a déclaré mardi Benjamin Netanyahu. Le Premier ministre israélien ne semble cependant pas avoir tranché en faveur de la violation accidentelle ou de la violation intentionnelle. « Nous n’accepterons aucune intrusion ou aucun débordement dans notre territoire, que ce soit par le sol ou par les airs », a poursuivi M. Netanyahu.


(Lire aussi : Transfert d’armes iraniennes : en Syrie, tous les chemins mènent au Hezbollah)


Collatéral
L’épisode du Sukhoï intervient au moment où la fréquence quasi hebdomadaire des entretiens entre officiels russes et israéliens donne l’impression d’un accord dont seraient exclus les Iraniens. Israël a d’ailleurs refusé lundi une offre du Kremlin, en apparence attrayante, de retirer les forces iraniennes d’un rayon de 100 km depuis la frontière israélo-syrienne.

La thèse d’une vendetta du régime après la participation d’Israël à l’évacuation des Casques blancs vers la Jordanie, à laquelle Tel-Aviv a prêté son territoire et affrété ses transports, a également été évoquée. Mais difficile d’imaginer Damas envoyer deux de ses pilotes se suicider dans le ciel israélien pour sanctionner une opération qui est du pain bénit pour la propagande du régime contre l’opposition syrienne. « Si Damas doit répondre, il répondra aux frappes israéliennes. L’évacuation des Casques blancs est, dans le contexte des tensions entre la Syrie et Israël, un épiphénomène », commente M. Horowitz.

Depuis environ une semaine, les localités israéliennes du versant annexé du Golan subissent les dommages collatéraux de la guerre qui fait rage à ses portes. Des sirènes d’alerte du Nord israélien ont été déclenchées hier par des pilonnages internes au territoire syrien, selon le Conseil régional du Golan. Deux projectiles sont tombés dans la mer de Galilée. Lundi, c’est le système d’interception de missile Fronde de David qui avait été activé pour contrer des missiles SS-21, dont une tête à elle seule pèse près d’une demi-tonne. Les missiles n’étaient finalement pas destinés à s’abattre sur l’État hébreu, mais leur trajectoire tendait vers la frontière. Chaque tête de SS-21 pesant près d’une demi-tonne, avec une portée de 100 km, les Israéliens ont préféré minimiser les risques en activant Fronde de David, pour ensuite ordonner l’autodestruction des missiles en vol une fois la certitude acquise que leur territoire était préservé.


(Lire aussi : Israël dit avoir abattu un avion syrien, version différente à Damas


Messagers
Cependant, tous les « objets volants » qui arrivent sur le bas-côté israélien ne se ressemblent pas. Si une partie d’entre eux, insignifiants, sont simplement surestimés par les radars israéliens réglés très sensibles, d’autres sont porteurs de signaux. Le 13 juillet, un drone syrien non armé avait « échoué » près du lac de Tibériade, 10 km à l’intérieur des frontières israéliennes, une distance peu accidentelle pour la vitesse de croisière d’un drone. Tel-Aviv avait patienté plus d’un quart d’heure pour intercepter l’appareil. La réponse était clémente, visant à faire comprendre au régime syrien qu’Israël ne s’opposerait pas à son retour intégral dans le Sud-Ouest tant que la souveraineté israélienne était méticuleusement respectée. Benjamin Netanyahu avait dans la foulée évoqué les 40 ans de voisinage avec le régime du Baas durant lesquels « pas une seule balle n’a été tirée sur les hauteurs du Golan ».

Si l’intrusion du Sukhoï était préméditée, un palier est franchi dans les opérations syriennes visant à prendre la température côté israélien. Damas serait passé du drone non armé à ce qui serait de facto un commando-suicide, vu le sort prévisible d’un chasseur chargé de missile air-sol survolant des populations civiles israéliennes. Une source militaire syrienne a déclaré hier la mort du pilote, le colonel Umran Mare, au journal Almasdarnews. Si les roquettes tombées sur le lac de Tibériade hier étaient également calculées, une gradation apparaît dans les deux dernières semaines : drones non armés, roquettes puis commando aérien-suicide. Si M. Horowitz doute « que ces incidents soient véritablement une provocation voulue », il attire l’attention sur « la pénétration du régime par son allié iranien. Les forces du régime et les milices pro-iraniennes sont devenues largement indissociables ». Si l’hypothèse intentionnelle est validée, deux sous-hypothèses pourront l’expliquer : soit du personnel iranien qui est directement impliqué dans la décision d’« explorer » le ciel israélien, soit Damas tente de déranger l’aparté diplomatique entre Tel-Aviv et Moscou, rappelant aux grandes puissances que rien ne peut être négocié à son insu.



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commentaires (2)

QUOI QU,IL EN SOIT LA REPONSE EST TOUJOURS LA MEME DEPUIS 45 ANS : NOUS REPONDRONS EN TEMPS ET MANIERE CHOISIS...

LA LIBRE EXPRESSION

07 h 55, le 26 juillet 2018

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Commentaires (2)

  • QUOI QU,IL EN SOIT LA REPONSE EST TOUJOURS LA MEME DEPUIS 45 ANS : NOUS REPONDRONS EN TEMPS ET MANIERE CHOISIS...

    LA LIBRE EXPRESSION

    07 h 55, le 26 juillet 2018

  • moi ce que je vois, c'est encore une autre opportunite aux russes de vendre un autre avion de "chasse". Entre guillements parceque c'est plutot des avions de papier ces sukhoi

    George Khoury

    07 h 39, le 26 juillet 2018

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