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Liban - Décryptage

Gouvernement : les solutions existent, mais attendent une décision

À l’heure où les menaces réciproques se multiplient et se précisent entre l’administration américaine de Donald Trump d’une part et les dirigeants iraniens de l’autre – au point que certains médias (australiens notamment) parlent de frappes américaines au début du mois d’août contre les installations nucléaires iraniennes –, le Liban se trouve face à deux options : soit il forme un gouvernement pour dynamiser l’action de l’exécutif et protéger le pays d’éventuelles retombées des développements régionaux, soit il prolonge la période de gestion des affaires courantes par le gouvernement démissionnaire, le temps d’attendre les développements régionaux et de mesurer s’ils peuvent favoriser un camp politique interne au détriment de l’autre.

Selon des sources politiques qui suivent de près le dossier de la formation du gouvernement, l’option de l’attente a été le plus souvent choisie par le camp proche de l’Arabie et de l’Occident, au cours des dernières années, pour tenter de rétablir un équilibre dans le rapport des forces, considéré comme ayant été ébranlé en faveur du Hezbollah et de ses alliés.

Toujours selon les mêmes sources, cette tactique de l’attente n’a toutefois servi à rien, puisque ce camp a dû finalement se résoudre à élire le général Michel Aoun à la tête de l’État après deux ans et demi de vacance et après avoir proposé toutes les options possibles, de la prorogation du mandat de Michel Sleiman jusqu’à la candidature de Sleiman Frangié, en passant par la candidature de Samir Geagea et celle de candidats dits de compromis. Depuis, à chaque échéance importante, le même scénario se reproduit avant de se terminer par un accord qui maintient l’actuel rapport des forces.


(Lire aussi : Gouvernement : tout dépendra de la rencontre Hariri-Bassil...)


C’est ainsi que la formation du gouvernement a commencé par attendre les développements en Syrie puis l’issue de l’attaque de la coalition menée par l’Arabie saoudite contre Hodeida au Yémen, enfin les résultats du sommet d’Helsinki entre le président américain et son homologue russe.

Mais dans ces trois événements, les attentes du camp proche de l’Arabie et de l’Occident ont été déçues : le régime syrien est en train d’avancer de façon significative sur le terrain. Après la Ghouta et la frontière avec l’Irak, c’est le tour du sud du pays de revenir sous le contrôle des forces du régime. De même, l’offensive contre Hodeida s’est pratiquement terminée par un échec, alors que les forces d’Ansarullah deviennent de plus en plus agressives contre les forces saoudiennes et émiraties. Quant au sommet d’Helsinki, il a abouti, du moins jusqu’à présent, à confirmer la victoire russe en Syrie, qui est à l’avantage du régime syrien. L’initiative russe pour le retour d’un grand nombre de déplacés syriens chez eux est la concrétisation de cette victoire, et l’émissaire russe a été clair jeudi, à l’issue de la rencontre élargie à Baabda, en disant que les autorités libanaises devront coordonner leur action avec celles qui sont en place en Syrie parce qu’elles ne partiront pas de sitôt et parce que les Russes ne peuvent pas prendre le relais.

Le message russe est donc clair et, au lendemain de la rencontre élargie de Baabda, le directeur de la Sûreté générale Abbas Ibrahim a reçu l’ambassadeur de Syrie au Liban pour étudier avec lui les modalités du retour chez eux de plusieurs centaines de déplacés syriens. Mais sera-t-il suffisant pour pousser les parties politiques à s’entendre sur la formation du gouvernement, sachant que le Conseil de sécurité de l’ONU a aussi pris position sur le sujet en réclamant un gouvernement d’union nationale pour éliminer l’option d’un gouvernement formé de la nouvelle majorité parlementaire ?


(Lire aussi : Un gouvernement majoritairement du 8 Mars priverait le Liban des aides internationales)


Les sources politiques proches du dossier de la formation du gouvernement estiment, à cet égard, qu’en réalité, cette option n’est vraiment envisagée que dans le but de faire monter la pression. Mais les solutions aux nœuds qui entravent la naissance du cabinet existent et leur adoption n’attend qu’une décision. Selon ces mêmes sources, les revendications affichées ne servent qu’à faire monter les enchères, mais au Liban, la classe politique sait parfaitement trouver des compromis lorsqu’elle décide de le faire. Ainsi, il semblerait que le « nœud » chrétien pourrait se résoudre par l’octroi aux Forces libanaises de quatre portefeuilles, dont deux considérés comme importants, un de moyenne importance et un ministère d’État, sans un portefeuille régalien et sans le titre de vice-président du Conseil. Le « nœud » druze pourrait se résoudre par l’octroi de trois portefeuilles au PSP (le parti de Walid Joumblatt), deux druzes et un chrétien. Le troisième ministre druze pourrait être choisi par le chef de l’État et le Premier ministre sur la base de propositions faites par Joumblatt. Même chose pour le « nœud » sunnite, un portefeuille pourrait être ainsi octroyé à une personnalité proche du chef de l’État, mais qui ne constituerait pas un défi ou une provocation pour le Premier ministre. Un nombre non négligeable de personnalités correspondent à ce profil au sein de la communauté sunnite, comme d’ailleurs dans toutes les autres du pays. Les solutions sont donc à portée de main, mais attendent la volonté de les adopter. Or celle-ci reste tributaire des développements régionaux tant que les différentes parties politiques n’auront pas décidé de donner la priorité à la formation du gouvernement. Cela pourrait se produire rapidement, surtout après la visite de la délégation russe, ou au contraire être reporté, en attendant l’issue du bras de fer engagé entre les Américains et les Iraniens.


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À l’heure où les menaces réciproques se multiplient et se précisent entre l’administration américaine de Donald Trump d’une part et les dirigeants iraniens de l’autre – au point que certains médias (australiens notamment) parlent de frappes américaines au début du mois d’août contre les installations nucléaires iraniennes –, le Liban se trouve face à deux options :...

commentaires (6)

Arrêtons d’attendre l’assentiment des uns et des autres gouvernements étrangers et ainsi de perdre du temps précieux pour tous les libanais. Il faut une réforme constitutionnelle incitant à la formation rapide d’un gouvernement car , à défaut, l’on voit mal comment un gouvernement , constitué au bout de plusieurs mois de tergiversations stériles , pourrait être encore considéré comme légitime et sérieux au regard des libanais et de la communauté internationale. Idem pour le choix du président de la république.

L’azuréen

20 h 20, le 28 juillet 2018

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Commentaires (6)

  • Arrêtons d’attendre l’assentiment des uns et des autres gouvernements étrangers et ainsi de perdre du temps précieux pour tous les libanais. Il faut une réforme constitutionnelle incitant à la formation rapide d’un gouvernement car , à défaut, l’on voit mal comment un gouvernement , constitué au bout de plusieurs mois de tergiversations stériles , pourrait être encore considéré comme légitime et sérieux au regard des libanais et de la communauté internationale. Idem pour le choix du président de la république.

    L’azuréen

    20 h 20, le 28 juillet 2018

  • Au prochain amendement de la Constitution, il faudra s'inspirer de la Constitution italienne, et introduire un article qui stipulerait que si le premier ministre désigné n'arriverait pas à former un gouvernement au bout d'un mois, après les élections, le parlement sera dissous et le peuple serait invité à élire un nouveau parlement. Le Gouvernement de "liquidations des affaires courantes" est une zone grise détestable et pleine d'incertitude pour l'avenir de notre pays. Il ne faut pas qu'elle se prolonge davantage.

    Shou fi

    16 h 06, le 28 juillet 2018

  • cette tactique de l’attente n’a toutefois servi à rien, puisque ce camp a dû finalement se résoudre à élire le général Michel Aoun à la tête de l’État après deux ans et demi de vacance et après avoir proposé toutes les options possibles, Madame Haddad votre raisonnement que c'est l"Arabie seoudite et ce "camp" de Libanais sont responsable des deux ans et demi sans President fait vomir Les seuls responsables ce sont ceux qui ont boycotte toutes les sceances du parlement Avoir ete oblige de ceder contre leur gre pour avoir finalement un President est un acte de grandeur pas de defaite SVP pourrez vous un jour faire des editoriaux qui ne reflette pas une position aussi evidement fausse

    LA VERITE

    13 h 49, le 28 juillet 2018

  • Puisqu'on en parle, l'élection de Michel Aoun à la tête de l'Etat par le Hezbollah, était sa récompense d'avoir signé l'Accord de Chiyah le 6/2/2006. Cet Accord ressemble, à son humble échelle, à l'Accord de Munich du 30/9/1938 signé par les Anglais et les Français avec Hitler en lui livrant la Tchécoslovaquie. Leur récompense fut la Deuxième Guerre Mondiale.

    Un Libanais

    13 h 36, le 28 juillet 2018

  • Bon...envisageons que l'administration américaine et les dirigeants iraniens décident de se taper dessus sérieusement début août... Nos très intelligents responsables libanais chargés de former un gouvernement, s'imaginent-ils vraiment que le Liban, via le Hezbollah, restera un îlot tranquille au millieu de la tempête, où ils pourront encore tranquillement, autour d'une tasse de café, discuter portefeuilles, ministères pour moi...ministères pour toi ? Si eux sont les champions de la nonchalance, naïfs et inconscients...nous ne le sommes pas ! Et très probablement ils auront déjà pris le large, en direction de contrées plus sûres et tranquilles, car ils en ont les moyens financiers. Alors que le petit peuple libanais souffrira comme toujours des conséquences catastrophiques de l'égoïsme criminel de ses dirigeants ! Irène Saïd

    Irene Said

    11 h 50, le 28 juillet 2018

  • Vous expliquez les “pertes de temps” passées et présentes et vous proposer les “solutions” futures sur la base que c’est toujours la même partie qui doit céder à l'autre partie pour obtenir un dénouement. Deux ans sans président et un parlement fermée pendant un an et demi. Avec un ton de satisfaction, vous listez les victoires obtenues par la force pour expliquer que c’est le plus fort qui a gagné, et qui gagnera, et que dans notre région la démocratie et la diplomatie n’ont pas de place et vous invitez les gens à adopter votre choix. Il faut arrêter de faire croire aux citoyens et aux politiciens que nos problèmes et nos solutions viendront toujours de l’extérieur car ça les encouragent à se dérober de leurs responsabilités. Votre raisonnement et votre langage font parties de nos problèmes.

    Zovighian Michel

    06 h 54, le 28 juillet 2018

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