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Liban - Décryptage

Les tentatives d’exploitation politique de l’opération de Hammoudiyé

À la veille de la fête de l’Armée (le 1er août), des critiques ont été formulées contre les méthodes fortes utilisées par l’unité spéciale envoyée à Brital et à Hammoudiyé pour mettre la main sur le trafiquant Ali Zeid Ismaïl. On a ainsi reproché à l’armée d’avoir tué huit personnes, dont le trafiquant recherché par la justice, sa mère et son frère, dans le cadre de l’opération qui s’est terminée par l’assaut lancé contre sa maison. D’ailleurs, à la suite de l’opération, des mouvements de protestation ont été organisés à Brital et à Hammoudiyé, au cours desquels des slogans hostiles à l’armée et au Hezbollah ont été lancés. Plus même, certaines personnes ont été jusqu’à brûler le drapeau du Hezbollah. Ce dernier n’a pas commenté ces événements, bien que ses adversaires politiques ont immédiatement cherché à les exploiter. 

Concernant le comportement de l’armée, des sources militaires précisent que depuis l’assassinat de l’officier Jean Bechaalani et de l’aspirant Ibrahim Zahraman à Ersal, au cours d’une mission de perquisition en 2013, l’armée a décidé de prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter une réédition de ce terrible incident. Depuis ce double assassinat et la campagne hostile à l’armée qui l’a suivi, paralysant la troupe pendant de longues années dans la région de Ersal, le commandement a décidé pendant une période de suspendre les missions de perquisition dans des régions considérées comme hostiles. Il a fallu attendre l’élection du président Michel Aoun à la présidence de la République et la nomination du général Joseph Aoun à la tête de l’armée pour que cette période d’attentisme s’arrête. L’armée a ainsi décidé de reprendre en main le contrôle de la Békaa du Nord. Ce fut ainsi la guerre dite du jurd qui a permis de chasser totalement les terroristes jihadistes de la région et de l’ensemble de la frontière libano-syrienne. À partir de cette bataille et de la victoire de l’armée contre les terroristes, l’armée a reconquis l’estime et le respect de la population. C’est dans ce contexte qu’il lui a été demandé d’appliquer un plan de sécurité dans la région et de mettre un terme aux exactions de certains trafiquants connus qui ont créé une sorte de milice composée à la fois d’éléments armés et de membres de la tribu familiale et qui ont ainsi imposé leur loi à leurs villages. Ali Zeid Ismaïl fait partie de ceux-là. Sachant qu’il a constitué un groupe armé pour le protéger, l’armée ne pouvait pas mener l’opération comme une simple mission de perquisition. Elle a donc mobilisé des forces spéciales (les commandos héliportés) et elle a ainsi utilisé les hélicoptères de combat pour exécuter le plan mis au point. Selon les sources militaires précitées, face à l’intensité et à la puissance des tirs essuyés par l’unité de commandos en charge de la mission, l’hélicoptère de combat a lancé un missile sur ceux qui ont attaqué l’armée et c’est ainsi qu’il y a eu un tel nombre de victimes pendant l’opération.
Les sources militaires précitées minimisent aussi l’importance des protestations populaires à Brital et Hammoudiyé après l’opération, assurant qu’elles ont été menées par les proches du trafiquant tué et par des parties politiques hostiles au Hezbollah et à Amal qui ont immédiatement essayé de profiter du choc provoqué par l’opération et ses résultats pour tirer un avantage politique du malaise populaire.


(Lire aussi : Opération contre l’Escobar libanais : L’armée détaille l’identité des huit tués)


De son côté, le Hezbollah a gardé le silence en dépit des séquences filmées qui ont circulé sur les réseaux sociaux, montrant des jeunes mécontents en train de brûler son drapeau à Brital. Selon des sources proches de la formation, celui-ci ne veut pas jeter de l’huile sur le feu dans une région déjà en proie à un véritable malaise social et en même temps, il ne veut pas non plus donner à cet incident plus d’ampleur qu’il ne le mérite.
Toutefois, selon les sources proches du Hezbollah, les véritables meneurs des protestations sont des personnes de la famille Ismaïl connues pour leur hostilité au parti et proches de son ancien secrétaire général, le cheikh Sobhi Toufayli, entré en dissidence. Au cours des dernières années, et à mesure que le fossé s’amplifiait entre le courant du Futur et le Hezbollah, le cheikh Toufayli avait établi des relations avec des personnalités de ce courant qui voyaient d’un bon œil ses activités hostiles à la formation chiite. Mais depuis la conclusion du fameux « compromis présidentiel », qui a poussé le courant du Futur et son chef Saad Hariri à appuyer l’élection de Michel Aoun à la tête de l’État, Sobhi Toufayli s’est éloigné du Futur pour se rapprocher de l’ancien directeur des FSI, le général Achraf Rifi. Après ce qui avait été considéré comme sa victoire aux élections municipales en 2016, ce dernier avait même projeté de former un parti qui aurait des ramifications et des permanences dans la Békaa et en particulier dans les régions à majorité populaire chiite, considérées comme le fief du Hezbollah. Le cheikh Sobhi Toufayli avait donc un rôle dans ce projet, ainsi que ses partisans de la famille Ismaïl, liés au trafiquant abattu.

Toujours selon les sources proches du Hezbollah, l’opération menée par l’armée n’a donc aucune connotation politique. Elle ciblait un trafiquant notoire faisant l’objet de 3 114 plaintes judiciaires et qui faisait la loi à Brital et ses environs, grâce à ses partisans armés et grâce à ses soutiens occultes. Une fois la mission accomplie, les proches du trafiquant ayant des liens avec le cheikh Toufayli ont tenté d’exploiter le malaise populaire à des fins politiques. Jusqu’à présent, la manœuvre n’a pas atteint son objectif et la situation est rentrée dans l’ordre.


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