Après avoir exprimé à plusieurs reprises son mécontentement à l’égard de l’immobilisme auquel fait face le processus de formation du gouvernement, le président de la Chambre Nabih Berry s’apprête à s’inviter de nouveau dans la partie.
Le chef du législatif avait fait savoir, le 11 juillet, qu’il convoquerait les députés à une séance plénière le 24 juillet si le cabinet n’était pas formé avant cette date. M. Berry envisage aujourd’hui une possible convocation de la Chambre à une séance législative, sous un gouvernement démissionnaire. Une éventualité qu’un grand constitutionnaliste interrogé par L’Orient-Le Jour exclut. D’autant que la Chambre est actuellement hors session. Sauf qu’Anouar el-Khalil, membre du bloc parlementaire d’Amal, perçoit les choses sous un autre angle. Mettant l’accent sur ce qu’il appelle « le sens des responsabilités de M. Berry », il indique à L’OLJ que ce dernier est à la recherche d’une « issue légale à même de sortir le Liban de l’immobilisme actuel ».
Le CPL s’en prend à Hariri
Quant aux divers protagonistes, ils continuent de camper sur leurs positions gouvernementales respectives. C’est surtout le cas du Courant patriotique libre. Celui-ci continue d’insister sur la nécessité d’intégrer le chef du Parti démocrate libanais Talal Arslane à la future équipe ministérielle, à l’heure où son principal rival druze, le chef du Parti socialiste progressiste Walid Joumblatt, insiste sur ce qu’il appelle (son) « droit » à nommer les trois ministres druzes. Il y a aussi le différend opposant le CPL aux Forces libanaises autour de leurs quotes-parts gouvernementales respectives. À cela s’ajoute la réserve que la communauté internationale exprimerait quant à l’attribution du ministère de la Santé au Hezbollah, d’où les tentatives de lui accorder plutôt celui des Travaux publics. Mais le chef des Marada Sleiman Frangié y tient.
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Commentant la stagnation dans les négociations en vue de la mise sur pied du cabinet, des milieux parlementaires aounistes ont stigmatisé l’attitude de M. Hariri « qui cherche à satisfaire les demandes des FL et du PSP, au détriment du sexennat Aoun ».
Cités par l’agence locale al-Markaziya, ces milieux estiment que les demandes de Meerab et de Moukhtara « ne sont pas logiques ». Tous les protagonistes devraient comprendre que le mandat actuel est celui du général Michel Aoun. Ce n’est pas le sexennat de Samir Geagea ni celui de Walid Joumblatt, ajoute-t-on de même source, insistant sur le fait que le parti de Gebran Bassil ne fera plus de concession.
Dans les mêmes milieux, on assure que le parti fondé par le chef de l’État ne voit aucun inconvénient à ce que le cabinet soit composé de 24 ministres, surtout si le recours à une telle mouture est à même de défaire les nœuds entravant encore le processus. Les sources aounistes emboîtaient ainsi le pas à Gebran Bassil. Ce dernier avait déclaré dimanche à Yammouné (Békaa) que « ceux qui nous poussent aux choix arbitraires veulent un gouvernement de majorité et non pas un gouvernement d’union nationale », réitérant son appel au respect de « critères unifiés » que M. Hariri devrait définir pour la formation de son équipe.
En face, les FL insistent sur la mise sur pied d’un cabinet d’unité nationale et excluent un cabinet de majorité, tout en campant sur leur position au sujet de leur quote-part. Joint par L’OLJ, un cadre FL accuse le chef du CPL d’empiéter sur les prérogatives du Premier ministre désigné. « M. Bassil devrait se contenter de définir les critères qu’il respecte dans le cadre des négociations gouvernementales », lance le proche de Samir Geagea, notant que son parti s’est conformé à toutes « les normes » proposées par le chef de la diplomatie.
(Lire aussi : Hariri et Bassil attendent « une nouvelle donne »)
Les trois dix
De leur côté, les haririens confient que le Premier ministre attend « une nouvelle donne » qui dicterait un entretien avec le chef de la diplomatie afin d’accélérer la formation du cabinet. Selon des sources politiques citées par notre correspondante Hoda Chédid, des efforts ont été déployés pour que cette rencontre se tienne dans les prochaines heures. Une réunion qui devrait faire suite au dernier entretien entre Michel Aoun et Saad Hariri, ainsi qu’à la réunion tripartite, jeudi dernier, entre MM. Aoun, Berry et Hariri.
Selon l’agence al-Markaziya, le Premier ministre en a profité pour présenter au chef de l’État une mouture axée sur la formule des trois 10. En vertu de celle-ci, les ministères seraient répartis comme suit : 10 ministres au chef de l’État et au CPL (sept au CPL et trois au président), dix au tandem Hariri-FL (six pour le Premier ministre et quatre au parti de Samir Geagea), et 10 autres pour le tandem chiite, le PSP et les Marada (trois Amal, trois Hezbollah, trois PSP et un Marada). Mais cette formule s’est heurtée à un veto qui aurait « surpris » M. Hariri.
Face à ce paysage complexe, des sources informées citées par Hoda Chédid soulignent que Michel Aoun a facilité la mission de Saad Hariri en acceptant d’accorder quatre ministres aux FL, en contrepartie de l’engagement de Saad Hariri à défaire le nœud druze.
Commentant les accusations lancées récemment contre le chef du CPL, on souligne dans les mêmes milieux que M. Bassil dirige un bloc parlementaire qui a des demandes dont les personnes concernées doivent prendre connaissance. Si le chef de l’État ne peut pas convaincre les protagonistes de faciliter la tâche à Saad Hariri, pourquoi devrait-il le faire avec les aounistes ? s’interrogent les milieux du CPL.
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commentaires (5)
Je cite: "le mandat actuel est celui de Michel Aoun, Ce n’est pas le sexennat de Samir Geagea ni celui de Walid Joumblatt...". Sans vouloir leur faire de la peine et n'en déplaise au CPL, ce n'est pas le sexennat de Aoun ni même celui du CPL car sans les FL Aoun aura toujours végété dans la salle d'attente de la présidentielle. Ni le Hezbollah, ni Hariri ni personne d'autre que les FL l'ont fait Président. Qu'il le digère donc tous et au moins que Bassil et compagnie respectent les accords qu'ils ont signé! Mis a part cet échange d’accusation et de contre accusation, pour amuser la galerie, a part le Hezbollah en ce moment, personne ne semble vraiment vouloir d'un gouvernement. La situation dans la région est explosive et il semble que personne n'a envie d'assumer la responsabilité des conséquences de la politique stupide suivie a ce jour, et elles seront lourdes a porter.
Pierre Hadjigeorgiou
12 h 14, le 31 juillet 2018