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Idées - Point de vue

Repenser la politique du logement au Liban

Beyrouth vue du ciel. Ali Haju/Reuters

Si la nécessité de former un gouvernement et d’engager sans plus tarder le pays sur la voie des réformes structurelles et investissements en infrastructure fait actuellement consensus et constitue indiscutablement une condition sine qua non pour une reprise économique, certains aspects, pourtant majeurs, de la politique économique me semblent indûment occultés dans la plupart des réflexions sur ce sujet.

C’est notamment le cas de la problématique du logement et de la relance du secteur immobilier, qui connaît de réelles difficultés depuis quelques années et dont la refonte devrait constituer une composante structurelle de la réforme de l’ensemble de l’économie.

Pour paraphraser l’adage en l’adaptant à la situation actuelle : « Quand l’immobilier ne va pas, c’est que les autres secteurs aussi ne vont pas bien. » Et c’est particulièrement vrai dans un pays où le secteur immobilier pèse directement entre 12 et 14 % du PIB (et jusqu’à près du quart en comptant les secteurs annexes).

Au-delà de cette contribution globale, certaines problématiques pèsent directement sur la bonne santé d’autres secteurs : que l’on songe par exemple à l’impact des loyers commerciaux sur l’activité des bureaux ou des commerces de détail. Ces frais représentent en effet entre 15 et 25 % de leur chiffre d’affaires (contre 7 à 10 % dans de nombreux autres pays), affectant leur compétitivité et le prix de vente des produits.

De même, alors que dans nombre de pays le logement représente environ entre le quart et le tiers du revenu d’un ménage, ce ratio augmente significativement au Liban pour certaines catégories de revenus tandis que de nombreux ménages peinent à accéder à la propriété, voire au logement locatif. Là encore, une baisse du prix du logement aura un impact sur l’augmentation de leur pouvoir d’achat, ainsi que sur la compétitivité de l’économie.


(Lire aussi : La BDL subventionnera des prêts au logement en 2019, promet Salamé)


Logique d’extension verticale
Une telle refonte impliquerait notamment une stratégie de transformation holiste du secteur en prenant notamment en compte, d’une part, le changement technologique et les comportements des citoyens (surtout des jeunes), car la cité du futur ne ressemblera en rien à celle du présent, et, d’autre part, certaines spécificités libanaises, afin de sortir d’une logique architecturale mimétique vis-à-vis des grandes villes occidentales, aux situations bien différentes.

Le Liban est un pays dont la côte est exiguë et où les terrains sont entremêlés de façon presque inextricable. Cette fragmentation se reflète négativement sur l’offre de terrains facilement et immédiatement constructibles, et conduit à renchérir significativement et structurellement le prix du terrain. Ce, y compris dans un contexte où la demande de construction reste atone comme depuis quelques années. D’autres paramètres entrent aussi en jeu, tels le coefficient d’exploitation, la politique d’allotissement des terrains, le code de construction, l’utilisation de baux emphytéotiques pour les terrains privés et publics, la responsabilité des municipalités, les délais et frais pour l’obtention de permis de construction qui sont nombreux et qui représentent des coûts additionnels souvent inutiles que les acheteurs finissent par payer, etc.

À ces facteurs s’ajoutent certains effets liés au choix stratégique consistant, en dehors de certains cas particuliers comme Beyrouth, à opter pour une extension « à l’horizontale » de la cité et de la côte avoisinante inférieure à 300 mètres (dans une logique similaire à celle prévalant dans nombre de villes dans la région). Cela a conduit notamment la réglementation actuelle à limiter la hauteur des biens dans certaines zones, avec un impact certain sur la typologie et la hausse des coûts de construction.

L’aménagement du territoire est en effet à la base de toute politique et il implique de choisir entre des orientations stratégiques, ayant chacune leurs avantages et inconvénients, en fonction des contraintes existantes.

Une nouvelle approche en la matière pourrait donc conduire à privilégier une extension verticale de la cité, comme à Singapour, qui consisterait notamment à relever le seuil des hauteurs légales des constructions dans les zones visées afin d’éviter la construction sur des terrains encore vides et de réduire encore plus les espaces verts. Selon mes estimations, l’intégration d’une telle logique permettrait, avec d’autres mesures corollaires, de réduire le prix moyen actuel de certaines catégories de logements vendus actuellement à 1 600 dollars le mètre carré à environ 1 000 dollars/m2. Ceci permettrait à une toute nouvelle composante de la société d’accéder au logement et de contribuer à améliorer le climat social voire, in fine, à enrayer la fuite des cerveaux.


(Lire aussi : Qui a bénéficié des prêts subventionnés de la Banque du Liban ?)


Revoir les modalités de subvention
Dans cette perspective, il convient également de revoir intégralement nos politiques de financement de l’accession à la propriété. Depuis 2009, ce financement a été principalement assuré par la Banque du Liban. Celle-ci a d’abord permis aux banques commerciales, dans un premier temps, de consacrer une partie pour le moins significative de leurs réserves obligatoires à l’octroi de prêts immobiliers subventionnés. Puis, dans un second temps, à puiser directement dans leurs dépôts, sans être suivie en cela par les banques commerciales, qui avaient plutôt intérêt à continuer de placer ces fonds dans les bons du Trésor, bien plus rémunérateurs que les prêts subventionnés. Or, et en tout état de cause, ce type d’intervention est non seulement peu conforme à l’orthodoxie financière – dans la mesure où cela ne relève pas de la mission originelle d’une banque centrale –, mais peut, en outre, engendrer des distorsions sur les marchés.

Il conviendrait donc que ce financement soit du ressort exclusif de l’État : le ministère des Finances prendrait ses responsabilités en prévoyant dans le budget un montant pour la subvention de ce type de prêts, tandis que l’Établissement public de l’habitat – qui relève du ministère des Affaires sociales – verrait ses prérogatives renforcées pour lui permettre notamment de centraliser de l’ensemble des prêts subventionnés, en vue d’en réduire les coûts de fonctionnement et mieux surveiller leur octroi.

Dans le cadre d’une étude lancée prochainement sur ce sujet, le Conseil économique et social aura, espérons-le, le loisir d’approfondir l’ensemble de ces pistes de réflexion afin de conseiller utilement l’État sur les orientations stratégiques à prendre en la matière afin d’adopter une politique davantage conforme au contexte géographique, social et économique actuel.

par Roy BADARO

Économiste.

Si la nécessité de former un gouvernement et d’engager sans plus tarder le pays sur la voie des réformes structurelles et investissements en infrastructure fait actuellement consensus et constitue indiscutablement une condition sine qua non pour une reprise économique, certains aspects, pourtant majeurs, de la politique économique me semblent indûment occultés dans la plupart des...

commentaires (4)

synthese donc : le besoin prioritairement de PLANIFIER TOUT CELA. le besoin imperatif de personnes a la fois desireuses d'accomplir au mieux leurs devoirs, capables, ayant une vue elargie ET honnetes ( ouf ! tt cela a la fois ? hmm ! ) de plus, des personnes sachant mesurer les priorites(non mentionnees dans cet article ): --la necessite de rendre ces regions a construire /ou reconstruire pour une fois harmonieuses du point de vue architectural ( non + comme elles le sont,horribles) --la necessite de faire appliquer des normes de construction + que basiques, de sorte qu'on livre a l'acheteur d'un bien -et pas slt celui a prix modere-qui ne souffre pas de multiples defauts qui n'ont de raison d'etre qu'a renflouer les poches des promoteurs malhonnetes.

Gaby SIOUFI

10 h 17, le 05 août 2018

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Commentaires (4)

  • synthese donc : le besoin prioritairement de PLANIFIER TOUT CELA. le besoin imperatif de personnes a la fois desireuses d'accomplir au mieux leurs devoirs, capables, ayant une vue elargie ET honnetes ( ouf ! tt cela a la fois ? hmm ! ) de plus, des personnes sachant mesurer les priorites(non mentionnees dans cet article ): --la necessite de rendre ces regions a construire /ou reconstruire pour une fois harmonieuses du point de vue architectural ( non + comme elles le sont,horribles) --la necessite de faire appliquer des normes de construction + que basiques, de sorte qu'on livre a l'acheteur d'un bien -et pas slt celui a prix modere-qui ne souffre pas de multiples defauts qui n'ont de raison d'etre qu'a renflouer les poches des promoteurs malhonnetes.

    Gaby SIOUFI

    10 h 17, le 05 août 2018

  • Bâtir au dessous de la côte 300 permet de sauvegarder l’envir Au dessus de cette côte. Il faut trouver un compromis entre assurer des logements aux jeunes et préserver notre environnement. La réduction de la taille des logements est en cours et va se faire automatiquement en fonction de la demande et du pouvoir d’achat. Nous assistons aussi à une baisse des marges de promoteurs de 50% précédemment, à environ 35% actuellement, pour un investissement d’au moins deux ans et demi. Ceci est à peine rentable au vu de la rémunération des dépôts auprès des banques

    ROY BADARO

    11 h 47, le 04 août 2018

  • Une prise de position en faveur de la ville "verticale" qui peut faire débat sur les plans esthétique, sociologique et économique et aussi - et peut-être surtout - sur le plan environnemental.

    Marionet

    10 h 55, le 04 août 2018

  • Excellent article mais il est étonnant que vous ne mentionnez pas la nécessite de réduire la taille des appartements pour les harmoniser avec le pouvoir d'achat des résidents. Il n'est pas logique de consacrer l'essentiel de l'offre à des prix totalement inaccessibles pour le peuple ordinaires. S'agissant des prix; vous suggérer indirectement que les marges des promoteurs sont considérables & confortables au point de pouvoir baisser les prix drastiquement. Il faudra songer aussi à créer des fonds de placements immobiliers qui seront financer par des avoirs privés afin que le financement de l'immobilier ne continue pas à peser de plus en plus sur les bilans des banques.

    Shou fi

    23 h 56, le 03 août 2018

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