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Moyen Orient et Monde - Éclairage

François déterminé à écarter toutes les « brebis galeuses »

La question de la pédophilie restait jusque-là l’un des points faibles majeurs du pontificat.

Le pape François ne doit pas surréagir, mais sanctionner. Reuters/Tony Gentile/File Photo

Le Vatican a annoncé lundi la démission de l’archevêque d’Adelaïde, Phillip Wilson. Samedi dernier, c’était le cardinal américain Theodore McCarrick qui tirait sa révérence et renonçait à sa barrette, un fait rare dans l’histoire de l’Église qui n’était plus survenu depuis 1927. Début juillet, le pape acceptait cinq démissions d’évêques chiliens, dont le sulfureux Juan Barros, après que l’ensemble d’entre eux ont remis leur mandat entre ses mains.
Le point commun entre tous ces événements est que chaque démissionnaire a été impliqué – à un degré ou un autre – dans une affaire d’abus sexuels sur des mineurs. Mgr Wilson a été condamné en première instance par la justice australienne pour avoir dissimulé les actes pédophiles d’un prêtre sous ses ordres, les cinq évêques chiliens sont considérés comme responsables, par leur manque d’écoute, leur inaction, ou, dans le cas de Juan Barros, leur complicité active en dissimulant les abus sexuels commis par le prêtre Fernando Karadima. Theodore McCarrick, quant à lui, est directement accusé d’avoir commis des actes pédophiles sur plusieurs enfants et jeunes adultes voici 45 ans.


(Pour mémoire : Scandale de pédophilie : démission en bloc des évêques chiliens)

Déconnecté
Ces démissions en série illustrent le tournant que prend le pape François sur cette question des abus sexuels. Si Benoit XVI avait fait preuve d’une bruyante intransigeance sur la question, le début du pontificat de François avait été marqué par une discrétion sur ce sujet. Ce dernier était allé jusqu’à confier la très sensible réforme de la banque du Vatican au cardinal Pell, sous le coup lui aussi d’accusations d’abus sexuel. Les événements survenus pendant le voyage au Chili du souverain pontife poussent cependant ce dernier à agir à ce propos.
Confronté aux accusations visant Juan Barros, le pape François, qui a nommé cet évêque, s’était d’abord prévalu de la parole du mis en cause, qui protestait de son innocence, et a réclamé des preuves pour ensuite agir. S’en est suivie une tornade médiatique sans précédent pour un pape qui avait, jusque-là, plutôt su maîtriser sa communication, à l’inverse de son prédécesseur. Pour la première fois, ce pape qui se veut proche de ses fidèles jusqu’au plus petit d’entre eux était apparu déconnecté, voire insensible.
La réaction pontificale a donc été à la mesure de la consternation : convocation spectaculaire de l’ensemble des évêques chiliens, démissions collectives et décisions au cas par cas. Si l’on pourrait croire qu’il s’agit avant tout d’une opération de communication, pour Dominique Wolton, chercheur au CNRS et auteur de François, politique et société, rencontres avec Dominique Wolton, interrogé par L’Orient-Le Jour, les motivations du souverain pontife sont plus complexes : « Je ne pense pas que l’action du pape soit uniquement due à la réaction médiatique. Dans le cas chilien, il a cherché à faire preuve de confiance et cela s’est retourné contre lui, il en a tiré les leçons. » De ce fait, le pape semble décidé, comme le montrent les deux récentes démissions obtenues, à écarter les « brebis galeuses ».


(Pour mémoire : Surgies du passé, des accusations d'abus sexuels hantent l'argentier du Vatican)

Équilibre
Le pape François cherche cependant à éviter de déclencher une chasse aux sorcières au sein de l’Église, dans laquelle la plus petite suspicion entraînerait une sanction immédiate. Comme l’explique Dominique Wolton, « le pape cherche un équilibre entre la nécessité de ne pas surréagir dès que quelque chose se produit et celle de devoir sanctionner les comportements qui doivent être sanctionnés ». Une politique d’équilibre qui ressemble de plus en plus à un délicat chemin de crête. D’une part, le projet d’un tribunal canonique spécial qui jugerait les coupables, les complices actifs ou passifs et les négligents semble définitivement enterré en raison de la difficulté d’y juger sereinement des affaires où l’emballement médiatique peut vite devenir incontrôlable. L’idée d’établir cependant des instances pour traiter ces affaires localement, et ainsi, en désengorgeant la Congrégation pour la doctrine de la foi, aboutir à une prise en charge et des sanctions plus rapides, est cependant envisagée.
Une question sensible reste cependant celle d’une politique ayant pour but de non seulement sanctionner les crimes, mais aussi de prévenir leur apparition. Si le Saint-Père a déclaré, dans sa lettre aux catholiques chiliens, vouloir s’engager pour combattre ce qu’il appelle « la culture de l’abus », les mesures à prendre pour combattre à la racine le fléau qui touche l’Église catholique depuis plusieurs dizaines d’années restent floues. Pour Dominique Wolton, « on pourrait voir notamment ressurgir la question de l’ordination d’hommes mariés. François n’y est pas hostile, même s’il n’en parle pas ». Une évolution qui conduirait à coup sûr à une nouvelle passe d’armes avec les secteurs les plus conservateurs de la curie et de l’épiscopat.
Enfin, cette bataille contre la « culture de l’abus » qui vient de débuter peut éventuellement déborder des frontières de l’Église. Comme le rappelle Dominique Wolton, « la question se pose aussi d’une parole forte vis-à-vis de ce qui peut se passer dans les familles, là où la majeure partie des actes pédophiles ont lieu ».


Repère 

Les scandales pédophiles dans l'Église catholique

Le Vatican a annoncé lundi la démission de l’archevêque d’Adelaïde, Phillip Wilson. Samedi dernier, c’était le cardinal américain Theodore McCarrick qui tirait sa révérence et renonçait à sa barrette, un fait rare dans l’histoire de l’Église qui n’était plus survenu depuis 1927. Début juillet, le pape acceptait cinq démissions d’évêques chiliens, dont le sulfureux...

commentaires (2)

Hypocrisie apostolique un peu tardive! Le pape François pourrait bien être le plus honnête et dévoué de l’histoire de la papauté, mais il ne pourra jamais corriger les énormes abus et crimes commis par son clergé ne serait-ce que depuis un siècle dans le monde et ramener ses fidèles qui désertent les églises et achètent de moins en moins son infaillibilité divine! Il a encore beaucoup à faire dans les pays pauvres et sous-développés où ces comportements sont rampants, le clergé très puissant, le peuple peu éduqué, superstitieux où les langues n’osent pas se délier... Est-ce qu’il oserait envoyer une commission d’enquête épiscopale dans toutes les institutions catholiques de notre pays? Un vase cassé que l’on recolle demeure un vase cassé!

Saliba Nouhad

17 h 12, le 04 août 2018

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Commentaires (2)

  • Hypocrisie apostolique un peu tardive! Le pape François pourrait bien être le plus honnête et dévoué de l’histoire de la papauté, mais il ne pourra jamais corriger les énormes abus et crimes commis par son clergé ne serait-ce que depuis un siècle dans le monde et ramener ses fidèles qui désertent les églises et achètent de moins en moins son infaillibilité divine! Il a encore beaucoup à faire dans les pays pauvres et sous-développés où ces comportements sont rampants, le clergé très puissant, le peuple peu éduqué, superstitieux où les langues n’osent pas se délier... Est-ce qu’il oserait envoyer une commission d’enquête épiscopale dans toutes les institutions catholiques de notre pays? Un vase cassé que l’on recolle demeure un vase cassé!

    Saliba Nouhad

    17 h 12, le 04 août 2018

  • L'ordination d'hommes mariés est une question qui n'a rien à voir avec le problème. On sait, en effet que les pédophiles sont, dans leur grande majorité, des hommes (plus rarement des femmes) mariés.

    Yves Prevost

    06 h 44, le 04 août 2018

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