Enfant, Raymond Abi Abdallah passait ses étés sur les hauteurs de Ghineh, village avec lequel il a grandi. Aujourd’hui, à 57 ans, ce chirurgien-dentiste y retourne régulièrement pour transmettre son amour de l’endroit à ses trois fils et aider la municipalité à avancer dans des projets d’aménagement et de promotion du village. Ghineh et sa nature verdoyante omniprésente se trouvent au sommet du triangle de la région du Ftouh. Avec ses 2 km² de superficie, le village est pourtant riche en ruines, sentiers de randonnée, légendes et trésors cachés.
Raymond Abi Abdallah compare le village aux hauteurs de la côte méditerranéenne française. « Ici, je me sens comme à Nice ou Cannes », dit le chirurgien-dentiste. Le village comprend une réserve forestière naturelle et est parsemé de vieux chênes centenaires, de sapins, de pins et de quelques cèdres. Les randonneurs et cyclistes peuvent profiter de ce parc naturel et parcourir les nombreuses boucles que forment les principales routes du village, se rejoignent et s’entrelacent. « Dans la forêt, au sommet, quand le temps est clair, on peut voir jusqu’à Saint-Charbel », affirme M. Abi Abdallah en pointant du doigt l’horizon. Quand il était plus jeune, il venait passer ses soirées ici avec ses amis. Aujourd’hui, ce sont ses fils qui profitent de cette nature alors que la municipalité tente d’attirer plus de touristes, mais aussi de rendre la vie hivernale au village plus agréable.
Il y a quelques années, deux stades furent construits sur un sommet, de l’autre côté du village. « Les jeunes peuvent jouer au foot et au basket tout l’été, suivre des entraînements et emprunter les équipements gratuitement », explique-t-il pendant que deux ados du village enchaînent les tirs au but. Chaque année, la municipalité organise des compétitions entre les villages environnants. Mais en 2018, c’est Souk el-Akel qui a rassemblé quelque 20 000 visiteurs autour des ruines. Des projets sportifs, comme la construction d’un stade d’hiver et l’installation de pistes cyclables, seront les prochains défis de Ghineh.
Ghineh, où Adonis aurait succombé
Sur la route qui mène de l’imposant bâtiment de la municipalité aux ruines phéniciennes et romaines, Raymond Abi Abdallah pointe du doigt les nombreux stands de fruits et légumes bio, production du petit secteur agricole du village.
Une fois arrivés aux abords des vestiges, on aperçoit plusieurs segments au sol, séparés par d’imposantes pierres. « Ce sont les caveaux des dieux, construits d’abord par les Phéniciens, et ensuite repris par les Romains en 1200 avant J-C. Plus les dieux étaient importants, plus ils étaient représentés par d’immenses caveaux », explique le dentiste, passionné par l’histoire de son village.
Au centre, on peut se pencher sur de magnifiques mosaïques colorées, autrefois le sol du temple d’Abbel, le plus important de l’époque avec celui de Jbeil. « Ces anciennes civilisations traversaient la montagne, de la côte jusqu’à Faqra, et s’arrêtaient à Ghineh, un lieu très important pour eux », poursuit-il. Célébrations, grands rites funéraires… Selon lui, les peuples auraient investi les ruines chacun à leur tour, jusqu’aux Byzantins et Ottomans, et aux invasions de ce territoire, qui furent synonyme de destruction des temples, statues et caveaux sacrés. « On soupçonne aussi une très grande catastrophe naturelle en 300 après J-C », ajoute-t-il.
De l’autre côté du village, le célèbre rocher d’Adonis trône sous les chênes. La version de la légende, à Ghineh, évoque la relation entre l’humain Adonis et Aphrodite, déesse de l’amour et de la sexualité. Selon le dentiste, le dieu de la guerre Arès, alors épris de la déesse, aurait envoyé un sanglier géant pour tuer Adonis sur le grand rocher de Ghineh. « La bête l’a seulement blessé et il a réussi à la vaincre. Mais la divinité de la beauté est morte ici, se vidant de son sang sur le rocher », raconte M. Abi Abdallah. Un bas-relief gravé dans la roche rappelle la légende aux nombreux visiteurs. Plus bas, on aperçoit une petite grotte.
Une fois le tour du village complété, les randonneurs peuvent se rafraîchir à la source Aïn Abel, qui fournit une eau réputée pour soigner les troubles rénaux. « Certains viennent de Beyrouth le week-end juste pour remplir leurs bouteilles et bidons à cette source », relève Raymond Abi Abdallah, qui relève que Ghineh est synonyme de nombreux souvenirs, mais aussi d’une certaine liberté et d’un amour certain de la nature. « Notre priorité, c’est de préserver le village, de ne pas autoriser les constructions sauvages qui le défigureraient. Comme pour moi et mes fils, je trouve que l’histoire se répète ici, et c’est une bonne chose », conclut le chirurgien-dentiste.
Pour ceux qui souhaitent profiter au maximum du cadre enchanteur offert par cette localité, des maisons d’hôtes et des appartements meublés en plein village sont disponibles, ainsi qu’un hôtel historique qui reflète le charme de la région.
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Eclairage : Le Kesrouan commence à Nahr-el-Kalb jusqu'à Maameltein. Le Ftouh commence à Maameltein jusqu'à Nah-Brahim. Jounieh est la capitale du Kesrouan et Ghazir est la capitale du Ftouh. En politique, Georges Zouein dit le Lion libanais, était le député du Ftouh tandis que Nouhad Bouez était le député du Kesrouan. CQFD
Un Libanais
14 h 38, le 17 août 2018