Dans le cadre du climat délétère entourant dernièrement la liberté d’expression au Liban, notamment après les convocations de plusieurs activistes par le bureau de lutte contre la cybercriminalité, le député de Baalbeck-Hermel et ancien directeur général de la Sûreté générale, Jamil Sayyed, est venu ajouter hier une pierre à l’édifice, s’en prenant directement au chef des Forces libanaises, Samir Geagea. Des propos qui interviennent après l’appel du chef des FL à se débarrasser de l’héritage de la tutelle syrienne en matière de répression de la liberté d’expression.
« Geagea, qui est un des résidus d’Israël, a menacé hier d’extirper les résidus du système sécuritaire syro-libanais. Par le passé, vous avez éliminé Tony Frangié, sa femme et leur fille Jihane, ainsi que Dany Chamoun, sa femme et ses deux fils Tarek et Julian, a écrit M. Sayyed sur Twitter, à l’adresse de M. Geagea. Vous vous en êtes pris aux églises de Saydet el-Najat à Zahlé et Notre-Dame à Zouk grâce à votre appareil sécuritaire. Vous vous en êtes sorti une fois grâce à l’amnistie, mais détrompez-vous cette fois-ci, vous serez incapable de menacer qui que ce soit. »
Ce tweet fait référence aux propos de M. Geagea qui avait indiqué, dans une déclaration vendredi dernier, que les convocations de Libanais pour leurs publications sur les réseaux sociaux lui rappelaient l’époque des « services de sécurité syro-libanais ». « Les auteurs de certains commentaires méritent d’être convoqués par la justice car nous vivons dans un pays régi par la loi. Mais certaines opinions incriminées s’inscrivent dans le cadre de la liberté d’expression », avait affirmé M. Geagea lors d’une rencontre organisée par le département des étudiants des FL à ses diplômés au siège du parti à Meerab. « Il faut œuvrer à éliminer les résidus des services de sécurité syro-libanais », avait-il ajouté.
« Mais je n’ai pas peur... »
Ces affrontements politiques n’ont pas freiné le bureau de lutte contre la cybercriminalité qui, a-t-on appris hier, a récemment convoqué François Maarrawi, ancien responsable militaire FL résidant en France, après une publication critiquant le décret de naturalisation émis en juin dernier.
Contacté par L’Orient-Le Jour, M. Maarrawi a indiqué avoir appris par le biais d’amis se trouvant au Liban qu’il figurait sur la liste des convocations du bureau de lutte contre la cybercriminalité. Et pour cause, il avait relevé dans une publication sur les réseaux sociaux il y a deux mois qu’un Syrien prénommé Moufid Karamé, candidat à la naturalisation, était soupçonné de trafic de drogue, tout en joignant une photo de cette personne. M. Maarrawi fait aujourd’hui l’objet d’une plainte déposée par un certain Ghazi Karamé qui l’accuse d’avoir utilisé sa photo à tort en l’assimilant à Moufid Karamé. « Or, Moufid et Ghazi ne sont qu’une seule et même personne », selon M. Maarrawi.
« Ma convocation est une façon de nous faire peur, mais je n’ai pas peur (…). Ils ont persécuté les Forces libanaises à un moment, ils ont arrêté des personnes avant d’en arriver à Samir Geagea mais ils ne pourront pas refaire la même chose aujourd’hui, a-t-il souligné. Ça ne leur plaît pas que je scande le slogan “Liban d’abord” et que je dise que le régime syrien est mort. Je gêne Damas et ses acolytes au Liban. » M. Maarrawi a en outre fait part à L’OLJ de sa volonté de porter plainte contre le régime syrien devant les cours internationales.
« Ces publications expriment une opinion »
Réagissant aux dernières convocations, notamment celle adressée au président du Centre libanais pour les droits de l’homme (CLDH) Wadih el-Asmar, la semaine dernière, le bureau des jeunes du Parti socialiste progressiste a réaffirmé samedi son attachement à la liberté d’expression. « Les Libanais vivent des jours noirs les poussant à faire un bond en arrière à travers les convocations d’activistes (…). Face aux multiples convocations de journalistes ou de citoyens, nous insistons sur le caractère sacré de la liberté d’opinion et d’expression, garantie par la Constitution libanaise », peut-on lire dans un communiqué du PSP.
« Je n’ai toujours pas été notifié de la raison pour laquelle je suis convoqué », a pour sa part confié Wadih el-Asmar à L’OLJ, sachant qu’il devra comparaître le vendredi 31 août. Un reportage diffusé par la chaîne OTV le week-end dernier affirme que M. Asmar est poursuivi pour avoir relayé (en juillet) un tweet polémique sur saint Charbel qui a valu une convocation à son auteur, Charbel Khoury. Le reportage accuse en outre M. Asmar de chercher à faire parler de lui en ayant relayé à nouveau la publication en août (ce que M. Asmar dément), de porter atteinte au pouvoir et à la justice et de manquer de respect dû aux croyances religieuses. « Ces publications expriment une opinion, même si ce n’est pas toujours une opinion à laquelle j’adhère. Je les republie pour défendre les personnes qui donnent leur opinion, sinon on risque de devenir comme nos voisins », a lancé M. Asmar, dans une allusion claire au régime syrien. « J’ai relayé la publication de Charbel Khoury au moment où ce dernier était en train d’être interrogé et soumis aux pressions pour effacer sa publication », a-t-il ajouté. « Il ne faut pas oublier que la OTV est la chaîne du président et que ce dernier ne doit pas prendre parti dans ce genre d’affaires », a-t-il dit. « Ils sont dérangés par le fait qu’il faut revenir à la justice et que ce n’est pas le procureur général qui a le dernier mot dans ce genre d’affaires (…). Ma convocation est politique. Je les dérange quand je parle des droits de l’homme, de la torture ou des prisonniers libanais dans les geôles syriennes », a aussi déclaré Wadih el-Asmar.
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commentaires (6)
NO COMMENT C'EST DEVENU DEGOUTANT D'ETRE LIBANAIS REDUIT AU SILENCE SOIT PAS LA SURETE SOIT PAR LES MENACES DE CERTAINS MAIS TOUT A UNE FIN
LA VERITE
18 h 48, le 20 août 2018