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Liban - Solidarité

Quand l’escalade devient une cause humanitaire

Un mur d’escalade roulant parcourt différents camps de fortune de la vallée de la Békaa pour aider les jeunes à surmonter leurs défis quotidiens.

Des adolescents du camp de réfugiés de Bar Élias encouragent leur camarade à grimper le mur artificiel d’escalade du camion ClimbAID. Photo MaudePetel-Légaré

Une vingtaine d’enfants et d’adolescents attendent au bord de la route, devant les quelques tentes d’un camp informel de réfugiés syriens de Bar Élias, installé dans le décor aride et montagneux de la vallée de la Békaa. La fébrilité est palpable. ClimbAID, un camion aux allures excentriques par ses formes étranges et ses couleurs fluorescentes, arrive. C’est un mur d’escalade roulant.
En unissant le travail humanitaire à l’escalade, l’organisation ClimbAID offre la possibilité aux jeunes qui vivent dans des conditions vulnérables de s’initier à ce sport. Pour la deuxième année consécutive, d’avril à novembre, le camion se promène dans la région pour permettre aux enfants et aux adolescents d’améliorer leur santé physique et mentale.
« Ces jeunes sont affectés par la guerre et la pauvreté. Quand ils arrivent à grimper jusqu’en haut d’un mur, cela leur permet de renforcer leur confiance en soi et de générer un sentiment d’accomplissement. Cela leur permet aussi d’améliorer leurs capacités physiques », explique le fondateur suisse de ClimbAID, Beat Baggenstos.
Emballé de revoir le mur d’escalade, Medyan, 16 ans, explique que ce sport lui permet de s’évader de son quotidien difficile. « L’escalade m’aide à avoir confiance en moi. Cela m’a appris à ne jamais laisser tomber. Au début, je n’étais pas bon, mais l’instructrice Nina m’a poussé à devenir meilleur », confie-t-il, fier, les yeux pétillants.

Les adolescents, les oubliés
Vêtus de leur chandail gris frappé du sigle de l’organisation, les cinq volontaires, tous adeptes d’escalade, essaient de contrôler les enfants surexcités. Après avoir chaussé leurs souliers d’escalade, les enfants enjoués courent partout, grimpent, crient, sautent sur les matelas, et participent aux nombreux jeux organisés. Un peu plus d’une heure et demie plus tard, après qu’ils eurent dépensé leur énergie, un court métrage sur l’escalade est présenté. C’est ensuite au tour des adolescents de grimper sur les parois artificielles du camion. C’est eux, le réel public cible de ClimbAID. « La seule chose que les adolescents peuvent faire après le travail, c’est le narguilé, donc fumer. Nous souhaitons leur montrer qu’il est possible de diminuer le stress et la dépression avec le sport », explique le coordinateur du projet, Mohammad Hammoud. L’association souhaite encourager les jeunes adultes à se tenir loin des mauvaises habitudes. Avec eux, ils réalisent des ateliers éducatifs sur le travail d’équipe et leur montrent à grimper avec intelligence et technique.
Pour Hamda, une jeune fille de 14 ans, l’escalade permet de surmonter des défis. « Depuis que je fais de l’escalade, je me sens plus forte, je contrôle mieux mon corps et je pense beaucoup plus », explique-t-elle, chaussée de souliers d’escalade, prête à sauter sur le mur. Pour Fatima, c’est le sentiment de tranquillité quand elle grimpe. « Quand je suis sur le mur, je ne pense à rien, je ne pense qu’à grimper des montagnes », confie cette adolescente de 14 ans également, essoufflée par la dernière paroi qu’elle a gravie avec succès.
Amina el-Melhem, mère de six ans, considère que le camion est une source de divertissement et de bon temps pour la communauté. « Tous les samedis, mes enfants attendent le mur d’escalade avec excitation. Ils sont très heureux quand il arrive », explique-t-elle.

« En prison dans les camps »
En plus d’améliorer la flexibilité et la force physique, l’escalade permet de diminuer le stress. « Ils sont en prison dans ces camps. L’escalade leur permet de régler des problèmes personnels puisque le parcours qu’ils doivent grimper est un défi. Quand ils réussissent, cela les aide à surmonter les autres problèmes dans leur vie », constate Mohammad Hammoud.
Originaire de Taanayel, un village voisin, Mohammad Hammoud a décidé de collaborer avec l’organisation pour son aspect social. « J’étais très intéressé par leur projet, car aucune des ONG où j’ai travaillé n’était dans le domaine du support social des enfants et des adolescents », explique-t-il, pendant qu’il supervise un enfant sur le mur d’escalade qui essaie des manœuvres à 90 degrés.
Pour le fondateur de al-Caravan, qui organise des ateliers culturels et artistiques dans plusieurs camps de réfugiés, Khaldoun el-Batal,
ClimbAID permet aux jeunes de s’évader de leur quotidien difficile. « Nous devons leur donner la chance de faire du sport et leur donner un moyen de partir des camps. Ils n’ont pas le droit d’avoir une réelle éducation, c’est extrêmement difficile », déplore le partenaire de l’organisation.
Même constat pour Mohammad Hammoud. « J’ai demandé à un garçon qui a 13 ans ce que l’escalade lui apporte dans la vie. Il m’a dit que grimper le rend tellement heureux, que cela l’aide à oublier la mort de son frère lors de la guerre », confie-t-il, les larmes aux yeux.

Un mur d’escalade roulant ?
C’est en faisant du volontariat dans la région de la Békaa que Beat Baggenstos a eu l’idée d’initier les jeunes à sa passion, l’escalade. Il s’est vite rendu compte que l’organisation d’ateliers d’escalade en nature allait être complexe. « Il était impossible d’emmener de jeunes adultes sans papiers à la montagne à cause des nombreux check-points militaires. L’idée m’est donc venue : s’ils ne peuvent pas aller à la montagne, j’amènerai la montagne chez eux », précise-t-il.
En septembre 2016, il a fondé le Rolling Rock, le mur d’escalade roulant, et s’est associé à des partenaires en Suisse pour ainsi créer l’organisation ClimbAID qui offre aussi des sessions d’escalade gratuites aux réfugiés en Suisse. Avec un programme hebdomadaire récurrent, le camion se déplace dans divers endroits. « Nous allons dans les mêmes places toutes les semaines. Nous essayons de travailler avec les mêmes jeunes pour qu’ils puissent vraiment s’améliorer et qu’ils puissent embrasser la culture de l’escalade », explique Beat Baggenstos.
Pour réellement avoir un impact dans diverses communautés, autant libanaise que syrienne, ClimbAID s’est associé à plusieurs organisations locales telles que al-Caravan, arcenciel et Caritas Liban. « Nous sommes venus au Liban à cause de la crise des réfugiés, mais nous voyons aussi les impacts de cette crise sur les Libanais. Nous souhaitons diversifier le plus possible notre public cible », précise le fondateur.
Après cinq heures dans le camp, sous le coucher de soleil, les vêtements remplis de poussière, les adolescents tout comme les volontaires rangent l’équipement du camion. Une autre journée s’est terminée, où sueur et plaisir se sont mêlés aux nombreux défis que les jeunes ont su surmonter avec assurance.

Une vingtaine d’enfants et d’adolescents attendent au bord de la route, devant les quelques tentes d’un camp informel de réfugiés syriens de Bar Élias, installé dans le décor aride et montagneux de la vallée de la Békaa. La fébrilité est palpable. ClimbAID, un camion aux allures excentriques par ses formes étranges et ses couleurs fluorescentes, arrive. C’est un mur d’escalade...

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