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Les chèques en blanc de M. Nasrallah

Il est naturel de se demander s’il était bien nécessaire d’envoyer plus d’une dizaine de véhicules de l’armée et des services de renseignements des FSI interpeller un citoyen libanais, ancien ministre de surcroît, pour recueillir son témoignage suite à une procédure judiciaire engagée contre lui pour incitation à la division et atteinte à la paix civile. Se demander aussi si cet étalage de muscles, cette provocation, qui en était clairement une, n’ont pas finalement été foncièrement contre-productifs, surtout qu’il y a eu mort d’homme. Se demander enfin si Saad Hariri n’aurait pas pu trouver autre chose de plus créatif, de plus efficace et de plus indiscutable pour essayer de marquer des points dans sa (très longue) bataille contre le Hezbollah.

D’autant que le citoyen en question est Wi’am Wahhab. Incarnation absolue, s’il en est, du degré zéro du politique made in Lebanon, ce pur produit de l’occupation syrienne a été logé, nourri, blanchi par le régime Assad pendant des années avant qu’il ne s’en détourne, tout récemment, au profit des ayatollahs iraniens, convaincu qu’il vaut mieux traiter avec un dieu bourré de pétrodollars, aussi sanctionné soit-il, qu’avec l’un de ses saints, dictateur affaibli et ruiné. Télécommandé 24 heures sur 24 par le Hezbollah, M. Wahhab a une feuille de route d’une simplicité confondante : il est chargé de déstabiliser en permanence un des épicentres majeurs de l’échiquier libanais : la Montagne, et à phagocyter une communauté-clé, la sienne : la communauté druze. Dont le leader, Walid Joumblatt, bête noire de M. Wahhab, est aujourd’hui un allié indéfectible de Saad Hariri.

L’incident de Jahiliyé aurait pu être un épiphénomène de plus dans la lente agonie du politique et de la vie politique dans ce pays métastasé. Sauf que ses enseignements sont nombreux. Non, Saad Hariri n’est pas près de jeter l’éponge et de s’exiler volontairement à Paris ou ailleurs : il entend aller jusqu’au bout, avec ou sans l’aide, ici, de Michel Aoun, mais visiblement avec le soutien d’une ou de plusieurs grandes capitales. Oui, le Hezbollah est revenu de sa guerre de Syrie aux côtés du gang Assad, convaincu de deux choses : que le Liban est finalement la patrie définitive des chiites libanais – cela aurait pu être une merveilleuse nouvelle–, mais que cette patrie définitive doit être et sera gérée selon l’exact bon plaisir du waliy el-faqih. Oui, le Hezbollah est prêt à tout, même à un nouveau 7 mai 2008 par Wahhab, ou quelques volontaires zélés, comme ces fameux sunnites du 8 Mars, interposés. Et enfin non, le président de la République, Michel Aoun en l’occurrence, ne sert plus, du moins politiquement, à grand-chose. Son silence après les dérapages de ce week-end est littéralement assourdissant.

Reste ce constat plus général, bien plus grave, et qui vient asséner à ceux qui auraient été tentés de l’oublier une réalité plutôt sinistre : la contamination toujours effective et galopante des esprits et des lois par le virus milicien. L’accueil par les partisans de M. Wahhab des représentants de l’État est éminemment symptomatique : la banlieue sud risque fort de ne plus être le seul mini-État sur le territoire libanais, où le droit, les forces de l’ordre et la justice sont totalement bannis. Cela n’a l’air de rien, à l’aune de la dégénérescence quasi généralisée, mais ce grignotage, lent, mais tellement méthodique, est infiniment plus délétère et inquiétant que l’absence prolongée d’un gouvernement ou une éventuelle banqueroute nationale.

Parce que rien n’empêche Hassan Nasrallah, dans des élans de divine générosité, de trouver, financer, armer et manipuler un, deux, dix gauleiters, qu’il saura semer intelligemment sur l’ensemble du territoire libanais. Pas que dans la Montagne druze.

Il est naturel de se demander s’il était bien nécessaire d’envoyer plus d’une dizaine de véhicules de l’armée et des services de renseignements des FSI interpeller un citoyen libanais, ancien ministre de surcroît, pour recueillir son témoignage suite à une procédure judiciaire engagée contre lui pour incitation à la division et atteinte à la paix civile. Se demander aussi si...

commentaires (9)

ARTICLE SUPERBE ! AUX SIX SUNNITES SYRIENS QUI VEULENT RONGER DE L,INTERIEURE LEUR COMMUNAUTE S,AJOUTE LE COWBOY QUI VEUT SEMER LA ZIZANIE DANS LA MONTAGNE. QUAND A NOTRE PRESIDENT FORT IL N,A MEME PAS LA FORCE DE RIEN IMPOSER...

LA LIBRE EXPRESSION

14 h 30, le 03 décembre 2018

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Commentaires (9)

  • ARTICLE SUPERBE ! AUX SIX SUNNITES SYRIENS QUI VEULENT RONGER DE L,INTERIEURE LEUR COMMUNAUTE S,AJOUTE LE COWBOY QUI VEUT SEMER LA ZIZANIE DANS LA MONTAGNE. QUAND A NOTRE PRESIDENT FORT IL N,A MEME PAS LA FORCE DE RIEN IMPOSER...

    LA LIBRE EXPRESSION

    14 h 30, le 03 décembre 2018

  • Je vais abonder dans le sens de Ziad Makhoul en lui racontant que Macron , en rentrant de Buenos Aires à dit aux gilets jaunes qui manifestaient brutalement à Paris et ailleurs , que le dossier des " gilets jaunes" était transféré à Hassan Nasrallah et que donc il n'était plus entre ses mains . Ça va ! Content comme ça ?

    FRIK-A-FRAK

    12 h 16, le 03 décembre 2018

  • Il y a toujours plusieurs facteurs pour expliquer un incident. La démonstration musclée par les forces de l’ordre pour aller signifier un document à M. Ihab, ancien parlementaire, dans son village, montre le manque de jugement politique de ceux qui ont décidé d’envoyer les forces de l’ordre. Sans entrer dans les considérations et orientations politiques de M. Ihab, l’homme n’est pas à blâmer dans cet incident. Les hommes de M. Ihab ont tenté de troubler la quiétude de M. Joumblatt en fanfaronnant deux jours plus tôt devant sa demeure. On ne combat pas le mal par le mal. La signification d’un document judiciaire se fait habituellement par un clerc. Au lieu du clerc, c’est une petite armée qui est arrivée au village de M. Ihab pour lui signifier un acte de procédure. La provocation et le manque de jugement sont là. L’arrivée d’une dizaine de véhicules blindés de l’armée et de membres de la FSI dans le fief d’un autre chef de clan du pays se serait soldée par des conséquences malheureuses aussi. On ne peut faire fi de cette maladresse de la part de ceux qui ont donné des ordres à l’armée et à la FSI. Un peu de courtoisie et de gentillesse aurait pu produire des résultats inespérés dans un pays où les susceptibilités sociales, religieuses et politiques sont notoires et à fleur de peau et où l’amour-propre, l’orgueil et la dignité ont autant, voire plus de poids, que les lois et la justice.

    Hippolyte

    11 h 38, le 03 décembre 2018

  • Mieux vaut prévenir que guérir Le dernier des libanais savait pertinemment que l’escalade appelait à une confrontation ou au minimum à un dérapage requis. Le bon sens et la planification n’auraient été qu’utiles. Ceci dit , la loi c’est la loi et la justice a besoin de se faire valoir coûte que coûte nonobstant les circonstances et dès que les esprits se calment. N’oublions pas que la raison d’etat prime toujours mais aussi au niveau de la rue et des tensions , malheureusement , et tant que des forces paramilitaires (hors la loi )siègent et s’activent

    EDDE PAUL

    10 h 55, le 03 décembre 2018

  • MALHEUREUSEMENT CA SE SENT MAUVAIS. LES GANS SE MULTIPLIENT DANS LE PAYS. ILS SONT DEVENUS PETIT MAIS NOMBREUX. EN FACE D'EUX, ON A LE MONSTRE HEZBOLLAH. HASSAN NASRALLAH A LES MOYENS AUJOURD'HUI DE RAMASSER, SANS FAIRE LA GUERRE, TOUS LES CHEFS DE GANS, SAMI,AOUN, JOUMBLATT, HARIRI, GEAGEA, MÊME RIFI ETC...ETC.... FINITO LES FAUX PATRIOTES , CHACUN POUR SOI......SAUVE QUI PEUT.

    Gebran Eid

    10 h 32, le 03 décembre 2018

  • M. Makhoul, vous avez tout résumé en une seule phrase: le président de la République, Michel Aoun en l’occurrence, ne sert plus, du moins politiquement, à grand-chose. J'ajouterai qu'il n' a jamais servi et ne servira jamais à rien pour son pays.

    Achkar Carlos

    10 h 02, le 03 décembre 2018

  • Avec ces incidents dramatiques avouons que le Liban en tant qu' Etat est redevenu milicien ,tout le monde obéit au diable car touts nos politiciens sont corrompus .

    Antoine Sabbagha

    09 h 04, le 03 décembre 2018

  • Wi’am Wahhab a dépassé le stade des insultes aux Hariri(s) pour commettre un crime qui justifierait son incarcération immediate: il a donné l’ordre à ses partisans de tirer sur les forces de l’ordre. Ça ressemble au cas Assir à Saida il y a quelques années. Que va faire le President qui se veut être le chef des armées? Est-ce que le gouvernement va trancher ou faire succomber le Liban à tout jamais aux pressions des bandes armées qui pullulent?

    Zovighian Michel

    05 h 38, le 03 décembre 2018

  • l'etalage des forces de securite interieur etait absolument necessaire. 4 policiers dans une petite jeep auraient ete massacres et on aurait dit que c'etait a cause d'elements incontroles.

    sancrainte

    02 h 04, le 03 décembre 2018

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