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Liban - Anniversaire

Accord de Meerab : un succès stratégique malgré les querelles tactiques ?

L’entente signée entre les FL et le CPL après de longues années d’adversité avait, en janvier 2016, permis d’ouvrir une nouvelle page de réconciliation.

La photo partagée hier par le chef des FL Samir Geagea sur son compte Twitter, avec l’inscription : « Une réconciliation historique pour l’avenir. » Photo tirée de Twitter

Applaudissements, sourires, champagne… Les images de l’accord de Meerab, conclu le 18 janvier 2016 entre les Forces libanaises et le Courant patriotique libre, restent en mémoire comme un moment qui a scellé une réconciliation historique entre deux formations qui s’étaient confrontées de multiples façons, mais aussi un accord politique qui a porté le fondateur du CPL, le général Michel Aoun, à la présidence de la République.

Certes, depuis, l’image de cet accord, quasiment en « mort clinique », pour reprendre les mots utilisés par l’agence al-Markaziya hier, s’est nettement ternie. Pourtant, au regard de la dernière grande réunion intermaronite qui s’est tenue mercredi à Bkerké, et qui a montré une certaine homogénéité au niveau des objectifs stratégiques face à d’éventuelles grandes menaces, peut-on dire que cet accord est définitivement mort ? Quel bilan en faire et quel avenir peut être le sien ? À l’occasion de cette date anniversaire, deux tweets écrits respectivement par le chef des FL et celui du CPL, Samir Geagea et Gebran Bassil, nuancent tous les pronostics de mort annoncée. M. Geagea a publié la photo de la signature de cet accord, où il se trouve en compagnie du président Aoun, et des deux artisans de l’accord, le ministre Melhem Riachi pour les FL et le député Ibrahim Kanaan pour le CPL, avec les mots suivants : « Une réconciliation historique pour l’avenir. » Quant à M. Bassil, il a écrit : « En politique, il y a beaucoup de changements. La réconciliation, elle, est un acte moral que nous avons réalisé avec les FL, et qui va au-delà de tous les accords. Je salue le souvenir de tous les martyrs et leur assure que nous ne reviendrons jamais sur cette réconciliation, mais aspirerons au contraire à retrouver l’esprit de notre accord… Il reste que la concurrence démocratique est un devoir, et cela doit nous renforcer au lieu de nous affaiblir. »

Toutes les personnalités interrogées sur ce qui reste de cet accord affirment d’emblée que la réconciliation n’est pas remise en question, et que l’entente politique a mené à des réalisations au sens stratégique du terme. Ibrahim Kanaan, qui a donc été l’un des artisans de cet accord, rappelle que ce texte a été l’une des conséquences de la déclaration d’intention qui l’avait précédé, en juin 2015, dans le cadre de l’accord de Rabieh. « Nous avons réfléchi en matière de rééquilibrage dans le partenariat islamo-chrétien dans le pays, dit-il à L’Orient-Le Jour. Et les résultats sont tangibles. Dans le gouvernement sortant, 14 ministres chrétiens sur 15 ont été nommés grâce aux voix chrétiennes, et ils seront 15 dans le prochain gouvernement. La nouvelle loi électorale était une revendication des chrétiens, et elle a effectivement amélioré leur représentativité, dans les différents blocs. »

Comment expliquer, alors, ces conflits persistants ? « La diversité est bienvenue, affirme le député. La rencontre de Bkerké a bien montré que, quand il y a une échéance, nous pouvons récolter ce que nous avons semé grâce à cet accord. Il faut savoir que cette réunion a été précédée par une rencontre entre le député Georges Adwan (FL) et moi. Sur un plan stratégique, donc, cet accord ressort, même si les différences persistent au niveau tactique. »

Le CPL a parfois été accusé d’avoir profité de cette entente sans accorder aux autres ce qui leur revenait… « Nous avons tous profité de l’impulsion de cet accord, comme le montrent les résultats des élections par exemple », insiste M. Kanaan.


(Lire aussi : Nouvelles joutes verbales entre les FL et le CPL)

Une réconciliation « stable »

Une source des FL, interrogée par L’OLJ, pense qu’il faut faire la différence entre trois niveaux en rapport avec cet accord : celui de la réconciliation, celui de l’entente politique et celui qui découle de la récente réunion de Bkerké. La réconciliation, selon cette source, est stable et constitue une étape qu’il devient impossible dorénavant de dépasser. « Les discordes politiques sont naturelles, mais nous sommes au moins parvenus à ne plus nous diaboliser les uns les autres, poursuit cette source. Certes, il y a eu des violations de cette réconciliation, comme quand certains ont accusé les FL d’assumer la responsabilité des incidents du 13 octobre 1990, à la date anniversaire de cette période troublée. Mais d’une manière générale, toutes les parties restent attachées à cette réconciliation et finissent par revenir rapidement à la raison. »

Le deuxième niveau de l’accord, l’entente politique, « n’existe plus », selon la source. Les différents conflits, notamment autour de la formation du gouvernement, en sont venus à bout. Mais cela n’est pas une fatalité, comme le montre la récente réunion de Bkerké, « qui a été précédée par une réunion entre MM. Kanaan et Adwan ». D’autre part, force est de constater les résultats de cette entente dans le rééquilibrage des forces, qui a permis l’élection d’un président de la République représentatif et une nouvelle loi électorale plus juste, souligne-t-on.

Même s’il n’est ni CPL ni FL, le député Michel Moawad se dit « attaché » à cet accord, comme il l’a exprimé hier dans un tweet. « Il faut distinguer deux aspects de cette entente, dit-il à L’OLJ. Celui de la réconciliation qui a tourné une page douloureuse de notre histoire, et celui de l’accord politique qui, par nature, a un côté politicien prenant en compte les intérêts tactiques de l’une ou l’autre des parties, d’où le fait que cet accord ait pris l’eau. Toutefois, au-delà de tout cela, cet accord a fortement contribué au rééquilibrage du partenariat national, faussé depuis les années 90 après l’assassinat du président René Moawad et la non-application de l’accord de Taëf. Et il ne fait pas de doute que cet accord a lancé une dynamique qui a mené à l’élection d’un président représentatif de sa communauté. »

Faudrait-il faire évoluer cet accord, y inclure d’autres parties ? « Rappelons un fait significatif, que cette réconciliation a été suivie d’une autre, celle entre les FL et les Marada, répond M. Moawad. Élargir l’accord ne peut qu’être positif, sans pour autant annuler la diversité politique. »


(Lire aussi : Au Liban, 40 ans de réconciliations pour tourner la page de la guerre)

Quel avenir ?

Sur les pronostics d’avenir, les avis sont moins tranchés qu’on ne pourrait le croire au vu des conflits de ces derniers mois. « Je pense que la réunion de Bkerké est dans la même lignée que cet accord, souligne M. Moawad. Au-delà des intérêts politiciens, il y a des choix stratégiques liés à la présence et au rôle des chrétiens dans ce pays, dont les trois composantes sont l’État fort, le rééquilibrage des parties et la Constitution. Dans sa portée stratégique, cet accord a de l’avenir, mais plus on entre dans les querelles politiciennes, plus on se perd… »

Ibrahim Kanaan voit cet avenir « prometteur », malgré tous les problèmes de nature politicienne « qui ne font pas de mal ». « Dans le gouvernement, il faut qu’il y ait une vision nationale portée par les chrétiens », soutient-il. Côté FL, on ne voit pas de coupure entre les différentes parties à l’avenir ni une remise en question de la réconciliation. Et une importance continue de cet accord dans le rééquilibrage des forces au niveau national. Après tout, le mot « avenir » se trouve dans le tweet posté hier par M. Geagea…



Pour mémoire

Que reste-t-il de l’accord de Meerab ?

Applaudissements, sourires, champagne… Les images de l’accord de Meerab, conclu le 18 janvier 2016 entre les Forces libanaises et le Courant patriotique libre, restent en mémoire comme un moment qui a scellé une réconciliation historique entre deux formations qui s’étaient confrontées de multiples façons, mais aussi un accord politique qui a porté le fondateur du CPL, le général...

commentaires (5)

QU ON LE VEUILLE OU NON CET ACCORDS ET A SALUER HAUT ET FORT !! Quelle soit tactic stratégique ou de dupe!! Cela à démontrer qu on peut s entendre et surtout qu on a besoin de personne pour nous réguler

Bery tus

16 h 16, le 19 janvier 2019

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Commentaires (5)

  • QU ON LE VEUILLE OU NON CET ACCORDS ET A SALUER HAUT ET FORT !! Quelle soit tactic stratégique ou de dupe!! Cela à démontrer qu on peut s entendre et surtout qu on a besoin de personne pour nous réguler

    Bery tus

    16 h 16, le 19 janvier 2019

  • Accord de Meerab : un succès stratégique malgré les querelles tactiques ? Ce qui retient le plus mon attention , c'est le(?)

    FRIK-A-FRAK

    13 h 00, le 19 janvier 2019

  • MAIS PARDI, QUE QUELQU'UN CLARIFIE SERIEUSEMENT CE QUE LA STRATEGIE CPL/FL A SUPPOSEMENT REUNI ? DE QUELLE STRATEGIE S'AGIT IL ? CELLE QUI FAIT QUE L'UN ABHORRE HN ALORS QUE L'AUTRE L'ADORE? CELLE QUI FAIT QUE LES PERSONNAGES RESPONSABLES DE LA GUERRE CRIMINELLE DE 89-90 ET DE LA BETISE DE 88 . SOIENT EUX-MEME CEUX QUI SE RECONCILIENT? CELLE QUI DIVISE LES GAINS "CHRETIENS" E 2 PARTIES EGALES ( COMME SI LES AUTRES LIBANAIS CHRETIENS N'EXISTAIENT PAS)? CELLE -LA STRATEGIE- QUI N'ABORDE MEME PAS LE SOUPCON DE PROJET D'EVOLUTION DE NOTRE SOCIETE -A PART RECOUVRER LES DROITS DES CHRETIENS- ???? CELLE QUI OMET LA MISE EN MARCHE DE N.IMPORTE QUEL PROJET DE VRAIE RECONCILIATION A BUT NATIONALE CELLE LA ?

    Gaby SIOUFI

    12 h 59, le 19 janvier 2019

  • DE GROS MOTS QU,APRES LES LEGISLATIVES TOUT MONTRE LE CONTRAIRE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 41, le 19 janvier 2019

  • L'accord de Meerab demeure le fruit d'une approche confessionnelle et sectaire. Réconciliation? Il suffit de la mettre dans le contexte de la réconciliation de tout le peuple libanais avec lui-même, le 14/03/2005. L'accord de Meerab n'est pas venu mettre fin à la guerre intestine entre les FL et l'armée libanaise de 1989. L'accord inter-libanais de Taëf a déjà mis fin à la guerre dite civile de cette époque. Quant à la réconciliation entre les deux chefs de cette mini-guerre destructrice, elle a déjà eu lieu en mai 2005 quand Michel Aoun est allé rendre visite à Samir Geagea en prison dès son retour d'exil. L'accord de Meerab est une simple alliance politique tactique et non stratégique. Les signataires, qui représentent une frange de la société libanaise (et pas tous les libanais chrétiens), se sont entendus sur la répartition des "parts" du gâteau qui reviennent à des chrétiens dans le système paritaire libanais. L'accord de Meerab n'a pas de dimension nationale. Il n'a pas non plus une dimension communautaire plénière. C'est un alliance politique tactique entre deux forces politiques confessionnelles. Une telle alliance, qui n'engage que ses signataires, ne peut pas prétendre engager le devenir de la société chrétienne en tant que telle. Cette alliance ne règle pas la principale pomme de discorde entre les signataires, à savoir l'inféodation du Liban, de tout le Liban, à l'hégémonie irano-syrienne.

    COURBAN Antoine

    08 h 31, le 19 janvier 2019

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