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Culture - Livres

Le roman arabe et la guerre régionale : témoignages et fictions

Salim Batti, Chaker Khazaal et Charbel Kattan édités chez Hachette Antoine.


La multiplication des livres en langue arabe semble rattraper les lecteurs. Des sujets divers, le plus souvent avec l’évocation appuyée de la guerre régionale, semblent être au cœur des préoccupations des auteurs et de l’écriture. Un tir groupé de trois romans chez Hachette Antoine dans la langue de Gibran illustre cette tendance. Jeune auteur, traducteur, professeur d’université et militant pour les droits des enfants et des femmes dans le conflit de la guerre au Moyen-Orient et le sens de l’émigration et de l’intégration en Amérique, Salim Batti est déjà à son second roman avec Phonographe (207 pages) chez Hachette Antoine. C’est l’histoire d’un enfant abandonné par un père et à qui sa mère loue un trottoir pour la mendicité et la survie… Mais restait une grand-mère au cœur grand comme ça et aux bras toujours ouverts. Entre Bagdad en feu, Beyrouth au chaos indescriptible, l’Europe au froid mordant, les aéroports et leur bourdonnement, voilà une enfance perturbée, impitoyablement ballottée, sans concessions ni recours. Une narration haletante et nerveuse chargée d’interrogations pour retrouver des réponses… Écrit avec sensibilité et lucidité, tel un insoutenable témoignage, c’est un livre dont ni la première ni la dernière ligne ne donnent satisfaction ; tout comme la vie dans son cours imprévisible surprend dans ses tempêtes et ses accalmies, sans jamais totalement s’apaiser…

Prostitution

Encore un livre à la noirceur féroce. Sous la signature de l’auteur palestino-canadien Chaker Khazaal, Hikayat Tala (L’histoire de Tala, Hachette Antoine, 295 pages), écrit initialement en anglais – et devenu best-seller outre-Atlantique –, paraît aujourd’hui ce roman touffu et audacieux dans ses descriptions érotiques, traduit en arabe par Nadine Nasrallah. Depuis sa trilogie autour des Confessions d’un enfant de la guerre, le jeune Khazaal, élevé à Beyrouth dans les camps palestiniens, émigré au Canada et détenteur de diplômes d’études supérieures de l’Université de Toronto, est considéré par le magazine Esquire en 2016 comme l’un des hommes arabes de moins de 40 ans les plus influents. Avec L’histoire de Tala, il y a la vie, la mort, l’échec, la misère et l’espoir. Une histoire qui se marie parfaitement aux violences du Moyen-Orien et au drame israélo-arabe avec l’errance et l’exode du peuple palestinien.

Henry, un écrivain arrivé, mais moralement déchu, sombre dans la luxure, la perdition, la drogue et la déchéance, croise le chemin d’une prostituée d’origine palestinienne, Tala, qui tient tête à ses brimades, son despotisme, ses caprices et ses excès. Ce qui va le fasciner et piquer sa curiosité. Et quand Tala lui raconte sa triste vie de malheur et de misère, il en est touché, et naît un sentiment d’amour pour cette jeune femme qui se bat contre l’adversité. Mélo absolu, mais aussi réalité chaotique comme il en existe tant, avec beaucoup de sexe et de drogue, l’ouvrage, à la fois témoignage et fiction, tend vers la lumière et captive le lecteur malgré certaines grosses ficelles mal ourlées de la narration… Un livre pour la défense, l’appréhension et la compréhension des êtres dévoyés, un livre pour ne jamais perdre la dignité humaine. Une voix rare dans la mêlée des romans en langue arabe.

Carte du Tendre

Charbel Kattan, pour son troisième roman al-Tawrounia (La Toronienne, Hachette Antoine, 255 pages), a lui aussi choisi de parler de la guerre et de l’amour, à travers un imaginaire mêlant poésie, anecdotes, renversement des rôles de la parité hommes/femmes, dans une troublante métaphore de notre actualité cacophonique.

Né à Maghdouché, au sud du Liban en 1970, installé à Johannesburg en Afrique du Sud depuis 1990 avec une licence en informatique, Charbel Kattan s’est déjà illustré depuis son premier écrit qui a retenu l’attention du jury du Booker Prize, sans en décrocher néanmoins la récompense tant convoitée. Aujourd’hui, dans ce récit au ton déroutant, l’auteur des Valises de la mémoire revisite les champs de bataille au temps des croisades, le cœur des femmes toroniennes (de la ville grecque Torone) qui portent les armes et celui des hommes privés de l’amour car la vie en a décidé ainsi. Curieux dilemme dans ce récit où comment l’amoureux fuit l’amour et le guerrier la guerre…

C’est dans ce sillage, un peu savant, précieux et narquois, que se place la confrontation d’un homme et d’une femme qui renversent quelque peu les données conventionnelles où d’habitude l’homme porte sa mitraillette en bandoulière et la femme se pare et rêve de moments de tendresse… Mais peu importe cette image, car les deux protagonistes mènent communément un dur combat pour se retrouver. Si la guerre est nécessaire, l’amour l’est aussi, et si l’une est inévitable, l’autre l’est aussi. C’est dans cette optique de dualité et avec un certain humour, dans un style d’analyse affective, sociale et un contexte historique brouillé entre époque de croisade et naissance du personnage de Karakouche, que se situe cette inédite carte du Tendre. Mais, par-delà cette histoire où la nuit et le jour ne se croisent jamais, c’est toujours une question de voler quelques moments de bonheur…

La multiplication des livres en langue arabe semble rattraper les lecteurs. Des sujets divers, le plus souvent avec l’évocation appuyée de la guerre régionale, semblent être au cœur des préoccupations des auteurs et de l’écriture. Un tir groupé de trois romans chez Hachette Antoine dans la langue de Gibran illustre cette tendance. Jeune auteur, traducteur, professeur d’université...

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