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Suicidaires, crétins et Libanais

Le Liban devient plus que jamais un cas d’école. Clinique. Peu de dirigeants de par le monde arabe peuvent se vanter d’avoir, à ce point et collectivement, détruit une image et une réputation ; stérilisé un champ de possibles ; craché dans la soupe ; vendu leur peu d’âme à tous les diables ; détourné, pillé et saccagé ; dynamité toute éventuelle ébauche de progrès et assassiné lentement mais tellement sûrement son peuple. Peu de peuples de par le monde arabe peuvent se vanter d’avoir, à ce point et collectivement, abdiqué ; contribué à l’effondrement ; cautionné mille et un délits/crimes ; transformé la résilience en résignation ; suicidé leurs plus minces espoirs, et suivi aveuglément et silencieusement, en crachant sur tel ou tel d’entre eux, leurs dirigeants. Le syndrome de Stockholm, d’une ampleur inédite et jamais égalée, qui nous lie, nous peuple libanais à nos dirigeants, est affolant.

Le Liban n’est ni un État, ni une nation, ni un pays. Les dirigeants et le peuple qui le (dé)font ne partagent ni la même lecture, ni la même vision, ni les mêmes valeurs. Ils n’ont pas de livre d’histoire commun et ils ne racontent pas les mêmes histoires. Ils méprisent leur passeport, leur monnaie et, souvent, très souvent, ils remplacent le drapeau libanais par l’étendard de leur parti. Ils ne bénéficient pas des mêmes droits et n’ont pas les mêmes devoirs. Ils ne gèrent pas le même Liban, ils ne vivent pas dans le même Liban et ils ne veulent pas du même Liban. Pire que tout : les dirigeants et le peuple libanais se posent continuellement en victimes. Surtout après avoir menti, volé et trahi la confiance des uns et des autres. Surtout après avoir magouillé dans le dos d’un pays ami. Surtout après avoir essayé de jouer au plus malin, en voulant faire plaisir aux chèvres, aux choux, aux grappes de raisin et aux ours.

Alors on s’étonne que seuls le Qatari (déterminé à faire un bras d’honneur à ses rivaux du Golfe) et le Mauritanien aient fait le déplacement à Beyrouth (et encore : c’était un passage-éclair pour Tamim ben Hamad al-Thani…) à l’occasion du sommet économique et social de la Ligue arabe. On en veut à ces Arabes qui n’aident pas le Liban, qui ne l’encouragent pas à faire primer son arabité sur toute autre considération d’axes ou de calculs géopolitiques. On « comprend », à l’instar de l’un des plus incompétents ministres libanais des Affaires étrangères, les raisons de ce boycottage, et on demande aux riches pays arabes de ne pas laisser tomber le Liban – c’est à peine si on ne les critique pas ouvertement quand ils refusent d’être des vaches à lait. Mais on n’a toujours pas saisi à quel point il est indispensable et urgent que le Liban commence par balayer devant sa porte. Qu’il admette qu’à trop vouloir embrasser les uns et les autres ou cirer les pompes de tout le monde, on finit dans une sinistre solitude, surtout en temps de crise, par n’étreindre personne ; qu’à force de parier sur le(s) mauvais cheval(aux), tout va littéralement s’écrouler. Qu’il applique stricto sensu la distanciation, au lieu de se contenter de rabâcher le terme. Indispensable et urgent que le Liban établisse une fois pour toutes son génome, son ADN, et qu’il agisse en conséquence : Liban-Liban d’abord, Liban-à-visage-arabe ensuite, et Liban-pont-entre-deux-rives surtout, mais jamais Liban-siamois, ni avec l’Iran, ni avec l’Arabie saoudite, ni avec la Syrie (que plus jamais ne revienne cette sinistre concomitance des deux volets), ni avec l’Occident.

Pour tout cela, il faut un arbitre. Pour ce quadruple ni (Iran, Arabie, Syrie, Occident), pour ce définitif oui (Liban-Liban), pour la pérennité politique, économique et culturelle de cette marque (Liban, encore et toujours) et pour sa souveraineté totale, il faut un arbitre. Pour sacraliser la démocratie et les libertés et le droit, pour ressusciter le pays, et peut-être un jour l’État et la nation, il faut un arbitre. Pour entériner les bons choix, aussi consensuelle que soit cette démocratie, il faut un arbitre. Pour essayer de redonner l’espoir, il faut un arbitre.

L’arbitre ne peut être que le président de la République, celui qui, à défaut d’imposer, se doit d’énoncer et de dénoncer. À voix haute. Sans tabous. Sans craintes. Or, l’actuel président de la République s’appelle Michel Aoun.

Le Liban devient plus que jamais un cas d’école. Clinique. Peu de dirigeants de par le monde arabe peuvent se vanter d’avoir, à ce point et collectivement, détruit une image et une réputation ; stérilisé un champ de possibles ; craché dans la soupe ; vendu leur peu d’âme à tous les diables ; détourné, pillé et saccagé ; dynamité toute éventuelle ébauche de progrès et...

commentaires (20)

Et pourtant la liberté existe au Liban, elle qui manque à tant d'autres peuples. Ne désespérez pas, mes chers amis libanais! C'est la liberté qui fait que votre vie culturelle fleurit tellement. Et c'est elle qui garantit que vous trouverez les moyens de sortir de vos difficultés.

Yeomans Roger

14 h 27, le 07 février 2019

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Commentaires (20)

  • Et pourtant la liberté existe au Liban, elle qui manque à tant d'autres peuples. Ne désespérez pas, mes chers amis libanais! C'est la liberté qui fait que votre vie culturelle fleurit tellement. Et c'est elle qui garantit que vous trouverez les moyens de sortir de vos difficultés.

    Yeomans Roger

    14 h 27, le 07 février 2019

  • Tellement vrai et bien dit, il faut un Liban-Liban et pas un pays marionnette qui mendie sa pitance. Nos politiciens sont à battre!

    TrucMuche

    12 h 42, le 22 janvier 2019

  • "... l'un des plus incompétents ministres des Affaires étrangères...". Lorsqu'on qu'on chercher quelqu'un de la société civile pour le placer à la tête du ministère de l'Energie puis de là aux Affaires étrangères, pour l'unique raison qu'il est le gendre du signataire de l'Accord de Mar-Mikhaél, voici le résultat !

    Un Libanais

    20 h 30, le 21 janvier 2019

  • Et merlin l'enchanteur !

    FRIK-A-FRAK

    19 h 28, le 21 janvier 2019

  • Les merles enchantés.

    FRIK-A-FRAK

    17 h 57, le 21 janvier 2019

  • C'EST BIEN DIT ET C'EST LE MINIMUM À DIRE. MAIS J'AURAIS SOUHAITÉ DANS UN PROCHAIN ARTICLE QUE VOUS DÉTAILLEZ UN PEU PLUS VOS ÉCRITS. ET DIRE LE POURQUOI LE LIBAN N'EST PAS UNE NATION ET NE LE SAURA JAMAIS. JE SOUHAITE QUE VOTRE BELLE PLUME CHER MAKHOUL, RACONTE LA VIE DES CHEFS DES CLANS QUI N'ONT PAS INTERET QUE CE PAYS SOIT LIBRE.

    Gebran Eid

    15 h 51, le 21 janvier 2019

  • Il faut croire que ces dirigeants que vous mentionnez (et les autres) sont sans aucune vergogne. Comment n’ont-ils pas honte de ce qui se passe dépasse l’entendement. Peut-être que les jets privés et les billets dans les poches rendent aveugles et sourds. Est-on encore zaïm lorsqu’on l’est sur un tas de décombres?

    Michael

    14 h 33, le 21 janvier 2019

  • C’est complètement véridique. Il manque le sentiment national et ce sentiment d’appartenance à une nation libanaise est détruit par des nations régionales qui axent tout sur leur identité propre , leur appartenance propre , leur nation ( Arabie et iran pour ne citer que celles ci). Aucun pays au monde ne s’est construit avec l’identité d’un pays étranger . S’il en existe un , ce n’est qu’un satellite et ça ne dure pas car il voudra toujours recouvrer son identité qui lui est propre . Il se construit par ses propres moyens .

    L’azuréen

    13 h 56, le 21 janvier 2019

  • EXCELLENT ARTICLE SI VRAI J'ESPERE QUE VOUS NE SEREZ PAS CONVOQUE PAR LA JUSTICE POUR AVOIR CRIER LEURS 4 VERITES SURTOUT POUR LA DERNIERE LIGNE SI VRAI BRAVO

    LA VERITE

    13 h 47, le 21 janvier 2019

  • Merci Monsieur Makhoul pour les beaux mots de votre article,une analyse pertinente et claire. "Il faut un arbitre". Bien sûr il faut un arbitre.Et depuis longtemps...très longtemps. vous ne croyez pas que pour une fois nous avons trouvé UN. Le parlement, le peuple l a trouvé UN. C'est rare au Liban.Il a fait ses preuves, Donnons lui la chance de continuer le chemin et vous le savez bien le chemin est long...Très long... M. Makdessi

    Makdessi Maurice

    13 h 40, le 21 janvier 2019

  • j'aime bien la derniere phrase de votre edito. elle veut tout dire!

    Le Herisson

    13 h 38, le 21 janvier 2019

  • FORMIDABLE MONSIEUR MAKHOUL. VOUS N,ETES PAS ALLE PAR DEUX CHEMINS. TOUT DROIT AU BUT. MALHEUREUSEMENT VOUS VOUS ADRESSEZ A DES OREILLES SOURDES ET DES TETES VIDES !

    LA LIBRE EXPRESSION

    13 h 25, le 21 janvier 2019

  • Et si quelqu’un nous propose un plan de secours. Les médias rapportent une série d’investissements, du Qatar par exemple, quand ils sont démentis par d’autres politiciens. Sans doute pour reporter la dévaluation de la livre ? C’est pour quand cette dévaluation ?

    L'ARCHIPEL LIBANAIS

    12 h 39, le 21 janvier 2019

  • Le mauvais choix, des priorités des ressortissants d'une nation fabriquée par des puissances étrangères, est la raisons de l’inexistence du patriotisme. Les niveaux des priorités suivent cette logique: 1-c'est moi et ma famille 2-le mécène 3-ma tribu et ma religion 4-mon quartier 5-mon village la patrie reste un vague concept.

    DAMMOUS Hanna

    12 h 15, le 21 janvier 2019

  • tres bien dit, et re-re-redit ! mais de solution ? mais de sauvetage ?

    Gaby SIOUFI

    11 h 32, le 21 janvier 2019

  • Excellent, vous avez brossé un tableau parfait de notre situation. Le syndrome de Stockholm est à son point d’orgue, c’est comme vous le dites si bien un cas d’école sur lequel doivent se pencher les spécialistes. Là où je ne suis pas d’accord avec vous c’est quand vous dites que les arabes n’aident pas l’est libanais. Où vont donc ces millions versés mensuellement aux chefs des partis pour qu’ils asservissent à qui mieux mieux leurs partisans et leurs promettent la Lune. Il en va de même pour l’iran, papa Noël des barbus. Quoiqu’il en soit merci pour votre courageuse plume. Georges Tyan

    Lecteurs OLJ 3 / BLF

    11 h 15, le 21 janvier 2019

  • Criant de vérité !!!!! Rien a ajouter

    Kelotamam

    10 h 46, le 21 janvier 2019

  • Mr. Makhoul a écrit ce matin : ""Le Liban n’est ni un État, ni une nation, ni un pays."" Trois négations, c’est beaucoup pour un petit pays Etat ? Quand un sioniste affirmait que ""le Liban n’est pas un État"", la réplique d’un grand Libanais ne se faisait pas attendre. https://www.lorientlejour.com/article/1151307/deces-de-moshe-arens-ancien-ministre-de-la-defense-et-mentor-de-netanyahu.html Nation ? Quand le général De Gaulle, qui n’était pas n’importe qui, et fin connaisseur de notre pays, disait que ""le Liban n’est pas une nation"" (sic), j’ai la citation devant moi dans le livre, personne ne trouvait rien à redire. Mais un pays ? Demandez aux descendants des émigrés Libanais depuis plusieurs générations, et aux quatre coins du monde, ils vous diront que le Liban, c’est notre pays et notre patrie. Le constat est amer. Les Libanais peinent à fonder un Etat, sans doute qu’ils n’en ont pas les moyens. Après tout, je suis d’accord avec tout ce que Ziyad Makhoul a écrit ce matin !

    L'ARCHIPEL LIBANAIS

    09 h 16, le 21 janvier 2019

  • Tout est dit, si bien dit...

    Saade Joe

    09 h 05, le 21 janvier 2019

  • Voyons, Monsieur Ziyad Makhoul, c'est pas chic ce que vous ecrivez ! Culturellement notre pays est à l'avant garde, grâce à ceux qui appliquent religieusement et à la lettre les préceptes édictées par un guide suprême...non libanais. Nos ressources sont maitrisées par nos responsables sur leurs comptes bancaires privés, et nous organisons à grands frais des conférences en y invitant les arabes incultes et ignorants...pour leur demander avec de grands discours...de nous aider! Vous semblez ignorer aussi que tous nos malheurs viennent de notre complexe idiot causé par l'Occident-allié-des Wahabites etc., qui ne nous respectent pas comme il le faudrait... Vous ne voyez donc pas, Monsieur Ziyad Makhoul, que le Liban est au top du progrès en tout, grâce à ses dirigeants, et un exemple pour les autres pays arabes ignorants et incultes ? Allez, on vous pardonne et vous souhaîte tout de bon, Irène Saïd

    Irene Said

    08 h 49, le 21 janvier 2019

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