Le Conseil des ministres devra trancher demain sur la demande de démission de Ziad Hayek de son poste de secrétaire général du Haut Conseil pour la privatisation et les partenariats (HCPP), un organe rattaché à la présidence du Conseil des ministres et chargé normalement de mettre en place les partenariats public-privé (PPP) au Liban. L’inscription de sa demande à l’ordre du jour du Conseil des ministres signifie de fait qu’elle a déjà été validée par le Premier ministre, Saad Hariri.
Refus d’appliquer la loi PPP
Ziad Hayek, qui occupe ce poste depuis 2006, avait œuvré pendant plus de dix ans pour l’adoption de la loi sur les PPP, finalement votée en 2017 au Parlement. Il avait aussi conseillé le gouvernement sur le programme d’investissement en infrastructures (CIP) présenté durant la conférence dite CEDRE, et sur la base duquel la communauté internationale s’est engagée à mobiliser plus de 11 milliards de dollars au Liban. Le diplomate français chargé par le président Emmanuel Macron du suivi du processus CEDRE, l’ambassadeur Pierre Duquesne, a d’ailleurs affirmé, à chacune de ses visites au Liban, que les grands projets d’infrastructure inclus dans le CIP, tous secteurs confondus, devraient faire l’objet de PPP et donc être confiés au HCPP. Il a dans ce sens appelé, à plus d’une reprise, le gouvernement à honorer l’un de ses engagements durant la CEDRE, en donnant au HCPP les ressources financières et humaines qui lui permettraient de jouer pleinement son rôle. « Il faut donner au HCPP les moyens de réguler les PPP au Liban en lui permettant de recruter une quarantaine de personnes supplémentaires et d’avoir un budget indépendant », avait insisté le responsable français.
Plusieurs autres représentants des bailleurs de fonds du Liban ont en outre régulièrement affirmé à L’Orient-Le Jour qu’ils privilégiaient le HCPP pour les projets de la CEDRE, car ils voyaient en la multiplicité des acteurs impliqués dans la gestion des PPP « un gage de transparence », dans la mesure où cela éviterait, par exemple, « la rédaction de cahiers des charges sur mesure pour favoriser une entreprise donnée ». La loi PPP prévoit en effet la création d’un comité de pilotage pour chaque projet PPP, regroupant le secrétaire général du HCPP, le ministre concerné, un représentant du ministère des Finances et le président de l’autorité de régulation du secteur. Des cabinets de conseil juridique, financier et technique sollicités par le comité ainsi que d’autres experts venus de la fonction publique doivent composer le groupe de travail du projet. L’une des spécificités de la loi PPP est d’associer les entreprises ou consortiums d’entreprises – présélectionnés pour participer à l’appel d’offres (trois au minimum) – à l’élaboration de la version finale du cahier des charges et du contrat-type.
Or, malgré le vote de la loi PPP et le lobbying de la communauté internationale sur cette question, plusieurs responsables politiques refusent de confier ces projets au HCPP. Le Courant patriotique libre, par exemple, qui a la main sur le ministère de l’Énergie depuis plus de dix ans, considère que les prérogatives constitutionnelles du ministre lui permettent de garder le contrôle sur ces procédures. Et donc s’oppose à ce qu’elles relèvent du HCPP. Au sein du précédent gouvernement, le ministre de l’Énergie de l’époque, César Abi Khalil (CPL), avait souvent tenu des propos dans ce sens. Pour l’instant, l’organisme a été chargé de superviser cinq projets PPP au Liban : l’extension de l’Aéroport international de Beyrouth ; l’autoroute périphérique de Beyrouth reliant Khaldé à Nahr Ibrahim ; la création d’un centre national de données ; l’hôpital turc de Saïda et la construction d’un tunnel reliant Beyrouth à la Békaa.
(Pour mémoire : Ziad Hayek confirme le retrait par le Liban de sa candidature à la présidence de la Banque mondiale)
L’épisode Banque mondiale
Cette réticence des responsables politiques à confier les grands projets PPP à l’organisme géré par Ziad Hayek avait fini par convaincre ce dernier d’envisager de mettre un terme à sa carrière au sein de l’administration publique, selon une source proche du Grand Sérail. Dans un premier temps, M. Hayek a réussi à convaincre le Liban de soutenir sa candidature à la présidence de la Banque mondiale, comme en témoigne un courrier officiel du ministre des Finances, Ali Hassan Khalil, au doyen du Conseil des administrateurs de l’institution financière, Mirza Hasan, daté du 18 février dernier.
Le ministère des Finances libanais retirera finalement sa candidature début mars. Ziad Hayek évoque alors des « pressions » émanant d’autres pays, sans les nommer. Son seul concurrent au moment où sa candidature est retirée est David Malpass, un responsable du département du Trésor américain nommé par l’administration de Donald Trump. Voyant que ses premiers entretiens avec les administrateurs sont positifs, Ziad Hayek n’obtempère pas et cherche à obtenir le soutien d’autres pays comme la Russie, la Belgique, le Brésil, l’Allemagne ou encore l’Autriche via ces administrateurs. Mais n’étant pas connu par les gouvernements des pays sollicités, il n’y parvient pas.
Le « lâchage » de Beyrouth aura décidément fini de le convaincre de quitter le navire.
Pour mémoire
Ziad Hayek : Les PPP sont « indispensables » à la reconstruction de la Syrie
commentaires (8)
Au fond....le but recherché de ceux qui corrompue le pays et profite bêtement et malhonnêtement des ressources de notre patrie, n'est il pas de le vider de ses forces vives ?
Sarkis Serge Tateossian
15 h 20, le 20 mars 2019